Dans les faits, Jacqueline Sauvage a tué son mari, Norbert Marot, le 10 septembre 2012 alors que celle-ci subissait depuis plusieurs années les violences de celui-ci (physiques, mais aussi sexuelles), il s'en prenait également à ses enfants. Celle-ci fut condamnée à une peine de dix années de prison, en première instance, mais aussi en appel, la défense faisant prévaloir qu'elle s'était, en donnant la mort à son mari violent, défendue légitimement. Jacqueline Sauvage a fait savoir qu'elle ne souhaitait pas former de pourvoi en cassation.
Une grâce présidentielle lui a été octroyée par le président François Hollande tandis que la justice lui a refusé la demande de libération conditionnelle qu'elle avait formulée. C'est sans compter sur un nouveau rebondissement fin décembre 2016 : le Président de la République octroie à Jacqueline Sauvage une grâce totale !
La notion de légitime défense
Nul doute que cette notion fait débat... Pour les uns, les conditions sine qua non à remplir pour que la légitime défense soit retenue à juste titre sont trop exigeantes, voire impossible à remplir ; pour d'autres, point besoin de reconnaître à l'accusée cette possibilité de s'exonérer de sa responsabilité...
Les articles 122-5 et 122-6 (dont nous ne traiterons pas dans ce débat) du Code pénal prévoient strictement les situations pour lesquelles il est possible à tout un chacun de réclamer l'application de cette notion. La justice privée ainsi que la vengeance étant interdites en droit français, les juges se montrent intransigeants lorsqu'il s'agit d'appliquer la notion. Et pour cause !
Il arrive que les circonstances, lors desquelles la commission d'une infraction a eu lieu, feront qu'un individu qui a pourtant commis une infraction ne sera pas condamné et sera déclaré pénalement irresponsable : il s'agit des causes objectives de responsabilité pénale.
L'article 122-5 du Code pénal prévoit des conditions quant à l'agression, mais aussi à la riposte.
Ainsi, l'agression peut être tournée vers soi-même, autrui ou un bien et il peut s'agir d'une agression physique ou mentale. En fait, l'agression doit être injustifiée ou injuste c'est-à-dire que l'agression ne doit en aucun cas être conforme au droit. Cette agression doit être réelle ou actuelle : en d'autres mots, elle ne doit pas être putative ou imaginaire. Aussi, il va falloir apporter la preuve, et celle-ci revient à l'agent qui s'est défendu, qu'il était sur le point de se faire agresser et que des indices sérieux lui laissaient supposer ainsi.
Concernant la riposte, elle doit être concomitante et donc doit intervenir dans le même temps que l'agression et non postérieurement à elle : elle ne doit en aucun cas être tardive ! Il s'agirait alors en pareil cas de vengeance et non de légitime défense. Cette riposte doit également être nécessaire, voire strictement nécessaire : il faut que la riposte permette à l'agent d'échapper à l'agression.
Surtout, la riposte doit être proportionnée. C'est sûrement la condition à retenir concernant la riposte : s'il y avait disproportion, alors les juges du fond ne retiendraient pas la légitime défense quand bien même les autres conditions seraient réunies... Retenons que ces appréciations appartiennent aux juges du fond et uniquement à eux.
Ces conditions n'ayant pas été remplies dans le cas de Jacqueline Sauvage, les jurés ont donc retenu que celle-ci était coupable des faits qui lui étaient reprochés... Celle-ci avait préparé l'arme avec laquelle elle a tué son mari.
La notion de grâce présidentielle
Cette notion renvoie directement à la réduction voire la suppression d'une peine dont un individu fait l'objet. La sanction est donc réduite ou supprimée. D'un caractère individuel, la grâce présidentielle est dite personnelle (réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008) et surtout elle reste inscrite au casier judiciaire de la personne (ce qui la distingue véritablement de l'amnistie !).
Appartenant sous l'Ancien régime aux Rois, la grâce présidentielle (comme sa dénomination l'indique) appartient uniquement au Président de la République en application de l'article 17 de la Constitution du 4 octobre 1958 qui prévoit en termes clairs que « Le Président de la République a le droit de faire grâce à titre individuel ».
Comment cette grâce présidentielle fonctionne-t-elle ? Si seul le Président peut procéder à ce droit, la grâce nécessite le contreseing du ministre de la Justice. N'est-ce point là chose étonnante ? D'autant plus que l'on sait que la Constitution de 1958 n'exige pas une telle condition pour d'autres actes pris aussi par le Président...
Ce contreseing ne serait-il pas susceptible d'engager la responsabilité du gouvernement ? À quoi sert précisément ce contreseing ? Tout simplement à passer outre l'irresponsabilité dont bénéficie le Président de la République.
S'il s'agit bien d'un décret pris par le Président de la République en tant que décret présidentiel, celui-ci ne figure pourtant pas au Journal officiel. La question qui découle alors de ce débat juridique concernant Jacqueline Sauvage touche donc tout autant le droit pénal que le droit constitutionnel. Jacqueline Sauvage a bénéficié d'une grâce présidentielle octroyée par le Président François Hollande fin décembre 2016. Nul doute que cette affaire a fait parler d'elle. Décision honorable pour les uns, décision absurde pour les autres. En décidant d'octroyer une telle grâce, le Président n'a fait qu'exercer un droit que la Constitution, norme suprême, lui autorise.
Sources : Dalloz, Legifrance, Nathalie Guibert, « La grâce collective pour le 14 juillet est supprimée » [archive], lemonde.fr, 6 juillet 2007, consulté le 15 juillet 2007.
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