Une mise en demeure nécessaire
Dans l'hypothèse particulière d'un cumul d'emplois, il revient à l'employeur de collecter l'ensemble des informations nécessaires pour connaître les horaires effectifs de travail de son salarié. Si, après avoir obtenu ces informations, il ressort des constatations opérées par l'employeur que le salarié ne respecte pas la durée maximale de travail, il incombe à l'employeur de mettre en demeure le salarié afin que ce dernier choisisse l'un de ses emplois. S'il ne le met pas en demeure, et s'il décide tout de même de le licencier, alors il contrevient aux règles en la matière.
Cumul d'emplois, licenciement du salarié et absence de mise en demeure
Un cas d'espèce, rendu par le Conseil des prud'hommes de Nanterre (ci-après le CPH), le 30 septembre 2021, est intéressant à relever concernant cette hypothèse du cumul d'emplois et le licenciement du salarié. Dans les faits, il s'agit d'une salariée qui fut embauchée par une société à temps plein. Toutefois, celle-ci a continué de travailler à temps partiel au sein d'une autre société. Cette seconde société avait été informée par la salariée de cette situation de cumul d'emplois, et sept ans plus tard, celle-ci fut notifiée de son licenciement pour faute grave du fait de ce cumul.
Il est intéressant ici de relever le contenu de l'accord relatif au cumul d'emplois ou d'activités du 3 septembre 2010. D'après son contenu, il est possible pour toute personne salariée de cumuler son activité avec une autre activité professionnelle - que cette activité soit salarié ou non salariée. Toutefois, il est prévu que cette personne doit observer la durée maximale de travail prévue par la loi, à savoir : 10 heures par jour, et 48 heures par semaine maximum. Si la personne contrevient à ces règles légales, alors cette dernière, mais aussi son employeur encourent tous deux certaines condamnations.
Par voie de conséquence, le CPH est intervenu afin de rappeler cette obligation de mise en demeure et qui incombe exclusivement à l'employeur du salarié concerné. Surtout, les conseillers prudhommaux ont rappelé qu'il revient uniquement à l'employeur de veiller à ce que le cumul d'emplois n'enfreigne pas les dispositions de nature législative susmentionnées. Pour ce faire, les choses sont somme toute simples pour l'employeur : il doit collecter, avec l'aide de son salarié, l'ensemble des informations nécessaires pour connaître les horaires effectifs de travail de ce dernier.
Dans le cas d'espèce, le CPH de Nanterre a conclu que l'employeur n'avait pas recherché les éléments d'informations inhérents à la situation personnelle de sa salariée, et donc à son cumul d'emplois, avant de procéder à son licenciement pour faute grave. En outre, il découle de cette décision que l'employeur, dans la lettre de licenciement remise à la salariée, avait considéré que celle-ci contrevenait aux dispositions législatives en matière de durée maximale de travail. Néanmoins, le CPH retiendra que la preuve de telles affirmations n'a pas été utilement apportée par l'employeur.
À la lecture de ces différentes constatations effectuées par le CPH de Nanterre, dans notre cas d'espèce, nous comprenons aisément pourquoi celui-ci a jugé que le licenciement pour faute grave, prononcée contre la salariée, était en vérité dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Plus exactement, il convient de noter que la société n'avait pas mis en demeure, alors qu'elle aurait dû le faire, la salariée de choisir entre l'un des deux emplois que celle-ci occupait avant de l'informer de son licenciement. En outre, le dépassement de la durée légale sus-précisée ne saurait, par voie de conséquence, constituer par lui-même une cause de licenciement d'un salarié se trouvant dans cette situation particulière.
Cette décision s'inscrit plus exactement dans la lignée d'un arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation en date du 9 mai 1995 (cf. décision n° 91-43.786). À l'occasion de cette décision, les juges de la Cour de cassation avaient considéré que la constatation d'une faute grave ne saurait être opérante pour le cas où l'employeur n'a pas effectivement mis en demeure son salarié de mettre fin au cumul des emplois qu'il occupait.
Une impossible constatation d'une faute grave du salarié en cas de cumul d'emplois ?
Dans les développements précédents, nous avons évoqué l'hypothèse de l'absence d'une mise en demeure du salarié cumulant deux emplois par son employeur.
Cependant concernant l'hypothèse inverse, et donc lorsque l'employeur met en demeure son salarié de lui fournir des éléments inhérents aux horaires effectifs de travail de celui-ci, ou bien lorsque l'employeur demande à son salarié de choisir entre ses deux activités, et que celui-ci ne lui a pas répondu, la qualification juridique de la faute grave peut être effectuée.
C'est en effet en ce sens qu'avaient conclu les juges de la Chambre sociale de la Cour de cassation, le 19 mai 2010 (cf. décision n° 09-40.923). Ils avaient explicitement retenu qu'en dépit du fait que l'employeur avait effectivement demandé à son salarié les éléments d'informations qui auraient permis de procéder à la vérification de la durée totale de travail, celui-ci n'avait pas répondu. De la sorte, l'employeur était « en situation d'infraction » eu égard aux règles législatives en la matière. Par voie de conséquence, les juges avaient validé le raisonnement de l'employeur qui avait finalement décidé de retenir à l'encontre de son salarié une faute grave résultant sur son licenciement.
Pour clore, il est donc utile de retenir que dans le cas particulier d'un cumul d'emplois par un salarié, il revient exclusivement à l'employeur de le mettre en demeure de justifier ses horaires de travail et de choisir entre l'un de ses deux emplois si celui-ci est en situation d'infraction au regard des règles en la matière et contenues au sein du Code du travail. En d'autres termes, lorsque l'employeur décide de licencier son salarié sur la base d'un cumul d'emplois, celui-ci se doit de procéder à cette mise en demeure, car dans le cas contraire le licenciement sera considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse…
Sources : Roger avocat, Légifrance