La révision constitutionnelle à l’origine de l’embrasement de la Nouvelle-Calédonie

Les choses ont empiré alors que l’Assemblée nationale s’apprêtait à statuer sur une réforme constitutionnelle visant à modifier le corps électoral, réforme par ailleurs décriée par les indépendantistes calédoniens. Il est en effet intéressant de noter qu’à l’issue d’une révision de la Constitution en 2007, il est prévu que les listes électorales inhérentes aux élections provinciales dans l’archipel sont gelées à la même image qu’elles l’étaient en 1998. De la sorte, ces listes ne peuvent être revues de manière annuelle en fonction des départs et des arrivées dans l’archipel. Ainsi, il est prévu que, pour ces élections en particulier, seuls les individus présents sur le territoire de Nouvelle-Calédonie avant 1998 sont autorisés à exercer leur droit de vote alors que les nouveaux arrivants représentent dorénavant près de 20% de la population de Nouvelle-Calédonie.

C’est au tout début de cette année que l’exécutif a décidé de déposer un projet de loi constitutionnelle afin que le corps électoral soit dégelé à compter du 1er juillet prochain afin qu’y soient incorporées les personnes nées dans l’archipel ou bien qui y résident depuis au minimum dix ans. Cette réforme fut acceptée aussi bien par le Sénat, début avril, que par l’Assemblée nationale le 13 mai dernier. Pour être officiellement entériné, le texte final devrait être présenté devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles.

Cependant, cette réforme n’est pas du goût des indépendantistes en ce qu’elle permettrait, in fine, de délayer le pouvoir électoral revenant aux Kanaks mais surtout parce que la composition des différentes assemblées territoriales de Nouvelle-Calédonie sera impactée par ce dégel. Il est à noter, qu’actuellement et depuis 2021, les indépendantistes y sont au pouvoir. Pour eux encore, le dégel en cause constitue un acquis découlant de l’accord de Nouméa de 1998 : cette réforme bafouerait donc cet accord et les règles qu’il prévoit.

L’exécutif français n’est cependant pas d’accord avec ces revendications en ce que cette règle est caduque du fait même du « non » qui l’a emporté lors du dernier référendum d’indépendance organisé en 2021. Pour sa part, la justice administrative suprême, le Conseil d’Etat, a explicitement évoqué les principes inhérents du suffrage universel et rappelé, à cet égard, que les prochaines élections territoriales pourraient finalement être annulées.

A quoi renvoie l’évocation des accords de Matignon signés en 1988 ?

Depuis l’éclatement de la crise il y a quelques semaines, les accords de Matignon de 1988 ont également été évoqués. En effet, ces accords qui ont été conclus le 26 juin 1988, ont permis de réconcilier l’Hexagone et la Nouvelle-Calédonie et surtout ont permis de restaurer la paix dans l’archipel après quatre années difficiles, synonymes ou presque de guerre civile et d’affrontements extrêmement violents. Ces accords de Matignon de 1988 ont, pour rappel, été discutés et conclus grâce à Michel Rocard, qui était alors le Premier ministre socialiste en poste, aux côtés même des indépendantistes et des loyalistes. Ces accords furent en fin de compte ratifiés par un référendum (à l’occasion duquel 80% des suffrages exprimés avaient voté en leur faveur).

Les accords de Matignon ont finalement permis de procéder à une réorganisation administrative de la Nouvelle-Calédonie en prévoyant la mise en place de 3 provinces semi-autonomes. Ces provinces sont par conséquent en mesure de bénéficier d’une assemblée délibérante et surtout, celles-ci peuvent s’administrer de manière libre.

Enfin, il a aussi été fait mention dans les médias des différents référendums d’autodétermination en Nouvelle-Calédonie. A quoi ces référendums renvoient-ils ? Que prévoyaient-ils en effet ?

Les référendums d’autodétermination organisés en Nouvelle-Calédonie

Il est à noter, pour commencer, que le tout premier référendum d’autodétermination fut institué en 1987 sur initiative du Premier ministre de l’époque, Jacques Chirac. Les individus pouvant user de leur droit de vote, pour ce référendum, étaient ceux présents sur le territoire calédonien depuis plus de trois ans. Cette règle avait par ailleurs été vivement réprouvée par les indépendantistes de l’époque en ce que, selon leurs dires, elle n’avait pour autre résultat que diluer, de manière démographique, toute revendication d’indépendance. Mécontents de cette règle, le scrutin fut boycotté, et le « non » l’emporta à plus de 98% des voix exprimées, malgré une abstention très importante et qui était tout de même de l’ordre de 41%.

Ensuite intervinrent les accords de Matignon. Ceux-ci promettaient la tenue d’un nouveau référendum d’autodétermination devant avoir lieu en 1998. Or du fait de la signature de l’accord de Nouméa, aussi bien les loyalistes, les indépendantistes et l’exécutif français décidèrent de reporter cette échéance électorale à 20 ans, en contrepartie de quoi l’autonomie de la Nouvelle-Calédonie fut accrue. Quid du référendum organisé en 2018 ? L’issue de ce référendum est claire : le « non » l’emporte à près de 57%. Cependant, et du fait du contenu de l’accord de Nouméa, il est prévu que deux autres référendums d’autodétermination doivent être mis en œuvre rapidement après la tenue de ce premier référendum et ce, de manière à permettre, éventuellement, aux indépendantistes de l’emporter.

En 2020, le « non » l’emporta à nouveau même s’il est à noter que les indépendantistes remportèrent davantage de voix. En 2021, enfin, et dans la mesure où la crise liée à la Covid-19 continuait de sévir, les indépendantistes demandèrent au pouvoir exécutif français reporter la tenue du vote. L’exécutif refusa, les indépendantistes boycottèrent le scrutin et ainsi le « non » l’emporta de nouveau à plus de 96%.

Finalement, ce qui est intéressant à relever concernant ces différents votes réside dans le fait que l’appartenance communautaire demeure très prégnante en Nouvelle-Calédonie : les Kanaks sont pour l’indépendance, les autres communautés présentes sont pour leur part contre cette indépendance.