Les premières visites de Vladimir Poutine en dehors du territoire russe

A deux reprises à la mi-octobre 2023, le Chef de l’Etat russe s’est rendu en dehors du territoire de la Fédération de Russie. En effet, pour la toute première fois depuis le printemps 2023, Vladimir Poutine s’est rendu au Kirghizistan afin de participer au sommet de la Communauté des Etats indépendants (cette communauté comprend certains des anciens Etats membres de l’URSS).

Cette décision est somme toute symbolique pour ce dernier car il fait actuellement l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par la Cour pénale internationale. Souvenez-vous, celui-ci a été accusé par les juges de la Cour d’avoir notamment déporté des enfants ukrainiens sur le territoire russe.


Vladimir Poutine n’en est pas resté à ce premier déplacement puisqu’il s’est rendu quelques jours plus tard en Chine, pour rencontrer son homologue Xi Jinping, lors d’un sommet multilatéral. La Chine a organisé un sommet réunissant près de 130 Etats dans le cadre des nouvelles routes de la soie, ce sommet permettant in fine de démontrer et raffermir à nouveau sa posture sur la scène internationale. Ce sommet fut notamment l’occasion de raffermir les liens particuliers entre ces deux grandes nations.

Ces déplacements ont sûrement permis de démontrer que malgré les tensions créées à la suite de l’invasion du territoire ukrainien en février 2022, celui-ci demeure relativement protégé par un certain nombre d’Etats et de gouvernements et que l’isolement dont il fait l’objet suite au mandat d’arrêt international dont il fait l’objet n’est certainement pas aussi étendu qu’il n’y parait.

Compte tenu de ces éléments, s’impose à nous la question suivante : pourquoi Vladimir Poutine n’a-t-il pas été arrêté en application du mandat d’arrêt international émis à son encontre au printemps dernier par la Cour pénale internationale ?



Pourquoi Vladimir Poutine n’a-t-il pas été arrêté ?

Si ces deux déplacements consécutifs n’ont pas manqué de faire couler beaucoup d’encre dans la presse internationale mais également de susciter de nombreuses interrogations, il est intéressant de noter que le fait pour Vladimir Poutine de se déplacer sur ces deux territoires ne constituait pas réellement de menace pour lui, ces deux nations n’ayant pas procédé à la ratification du Statut de Rome.

Précédemment, le Chef de l’Etat russe avait décidé de ne pas participer à certaines rencontres internationales sur le territoire de certains Etats, notamment l’Afrique du Sud en août dernier, à l’occasion du 15e sommet des Brics (c’est-à-dire un groupe d’Etats émergents et qui réunit le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud). Cette décision a vraisemblablement été bien acceptée par l’Afrique du Sud, celle-ci se refusant d’une part de condamner d’une quelconque manière que ce soit l’invasion injustifiée de l’Ukraine par la Russie, d’autre part dans la mesure où elle a ratifié le Statut de Rome et que par conséquent il aurait été attendu des autorités sud-africaines de procéder à l’arrestation de Vladimir Poutine. Ce mandat d’arrêt avait d’ailleurs été rapidement considéré comme « nul et non avenu » par la diplomatie russe. Il est intéressant de noter qu’au sein de l’Etat sud-africain de nombreuses voix, parmi lesquelles celles de l’Alliance démocratique, l’actuel principal parti d’opposition, s’étaient fait entendre pour inciter la justice à contraindre l’exécutif à procéder à l’arrestation du Chef de l’Etat russe, et surtout de le livrer à la Cour pénale internationale si ce dernier décidait de se rendre audit sommet.

Pour en revenir à notre question, à savoir : pourquoi Vladimir Poutine n’a-t-il pas été arrêté lors de ses deux précédents voyages ? il est utile de noter que l’Etat sur le territoire duquel ce dernier viendrait à se rendre doit nécessairement avoir ratifié le Statut de Rome. C’est ici le cœur de la problématique : sans cette ratification rien n’oblige un Etat, un gouvernement, à procéder à une telle arrestation.

En effet, conformément aux dispositions contenues au sein du Statut de Rome, l’ensemble des Etats-parties doivent respecter le mandat d’arrêt international émis contre Vladimir Poutine, et donc exécuter cette obligation qui pèse sur eux. Aujourd’hui, 123 Etats ont ratifié ce Statut et parmi eux, tous les Etats membres de l’Union européenne, et la France et le Royaume-Uni, deux puissances présentes au Conseil de sécurité de l’ONU. Si 69 Etats ne l’ont pas (encore) ratifié, et donc que d’un point de vue théorique, ils n’ont pas à s’acquitter de cette obligation, il n’en reste pas moins que d’un point de vue diplomatique, cette inaction apparait comme une dissidence.



Nous pouvons conclure notre propos en précisant que les crimes de guerre dont est accusé Vladimir Poutine, tels que définis par le Statut de Rome, sont finalement rapprochables de violations d’une certaine gravité par rapport à la 4e convention de Genève de 1949 qui intéresse la protection des victimes à l’occasion de conflits armés internationaux. Or conformément au droit international humanitaire, chaque Etat est tenu de poursuivre, arrêter mais aussi juger les individus présumés avoir violé ces conventions de Genève. Ainsi par application de la compétence dite universelle, chaque Etat peut donc se déclarer comme compétent afin d’arrêter le Chef de l’Etat russe, même sans ratification préalable du Statut de Rome. Il apparait également intéressant de relever le fait qu’il apparait impossible d’opposer à la Cour pénale internationale le droit diplomatique coutumier, ni même encore le droit diplomatique conventionnel, qui affirment tous deux le principe de l’immunité des Chefs d’Etat. Autrement dit, le Statut de Rome ne s’intéresse pas au statut, à la qualité officielle de l’individu poursuivi. La Cour pénale internationale demeure pleinement compétente sans considération de la qualité de l’individu, et donc du Chef d’Etat, ce dernier n’étant pas exonéré de sa responsabilité pénale.