Des organismes hétérogènes de contrôle
Selon le Directeur de recherche en sociologie au CNRS, Sébastian Roché, les organismes chargés de contrôler les forces de l’ordre au sein des Etats membres de l’Union européenne sont hétérogènes. Ainsi, selon lui, deux modèles principaux se dégagent des études menées à ce sujet : certains disposent de moyens élevés mais sont relativement peu indépendants tandis que d’autres se veulent plus indépendants mais les moyens dont ils disposent leur font défaut.
L’exemple suédois
« L’ombudsman », à savoir : l’« homme des doléances » en français, fut créé en Suède au début du XIXe siècle et revêt la nature du tout premier médiateur entre l’administration d’une part, le peuple d’autre part. Cet exemple suédois connut par la suite une certaine notoriété et fut retranscrit dans en Scandinavie de même qu’en Europe du Sud. Il convient de noter que ces modèles sont pour la plupart enregistré dans les dispositions constitutionnelles et de ce fait, bénéficient de garanties d’indépendance remarquables.
En Suède, il existe quatre ombudsman directement nommés par les membres du Parlement et sont indépendants du Gouvernement. Ceux-ci peuvent être directement saisis par tout citoyen voire peuvent se saisir eux-mêmes. Il est utile de noter que le rôle de ces ombudsman ne se cantonne pas uniquement au contrôle des forces de l’ordre mais s’étend jusqu’à la protection des droits de l’enfant par exemple. Un fonctionnaire des forces de l’ordre peut d’ailleurs être poursuivi et sanctionné si ses agissements s’inscrivent dans une contradiction avec la loi, appuyant alors sont autorité.
Ces premières constatations étant effectuées, il ne faut pas omettre d’évoquer le fait que l’ombudsman ne dispose que de moyens étroits afin d’enquêter ce qui le rapproche, sur ce point, du Défenseur des droits. Ce constat suédois, et français par la même occasion, pourrait tout à fait démontrer la crainte pour les gouvernements de fournir davantage de moyens à des organismes sur lesquels ils ont finalement peu de pouvoir de contrôle et qui, dans la pratique, peuvent remettre en considération certains choix de nature politique à l’égard de la police.
L’exemple espagnol
Le défenseur des droits espagnol est prévu par la Constitution espagnole depuis 1981 et est directement élu par le Parlement. Son histoire est intéressante en ce qu’il reflète la volonté d’asseoir le rétablissement de la démocratie de l’autre côté des Pyrénées après la période dictatoriale. Celui-ci dispose d’une indépendance remarquable et d’une protection elle aussi importante : pour preuve, il est impossible que le défenseur des droits soit arrêté, détenu ni même encore sanctionné ou condamné par les autorités.
Le défenseur des droits national, qui peut être saisi gratuitement par tout citoyen et épaulé par un défenseur du peuple sur le plan régional, est le bénéficiaire d’un ensemble de prérogatives étendu, passant de la protection des droits fondamentaux à la prévention de la torture dans les prisons ou encore les hôpitaux psychiatriques. Notons cependant qu’il ne peut rien formuler d’autres que des recommandations aux administrations. Cela étant, celles-ci sont remarquablement suivies par les institutions espagnoles.
L’exemple belge
Le comité P (ou, dans sa forme longue, Comité permanant de contrôle des services de police) fut créé en 1991 à l’effet de faire remonter tout type de dysfonctionnements rencontrés chez les forces de l’ordre belges. Ce comité est composé de près de cent personnes, présidé par un magistrat, et comprend notamment un service administratif et un service d’enquête. Ce même service d’enquête est chargé d’investiguer sur des faits reprochés à des membres des forces de l’ordre, faits pouvant revêtir la nature de crimes ou de délits commis par eux dans le cadre de leur fonction ou bien s’ils ont trait de manière directe à ces fonctions et qui auraient résulté sur une méconnaissance des droits et des libertés fondamentales des citoyens.
Plus généralement, le comité P est doté de compétences importantes en ce qu’il peut prendre connaissance de tout un ensemble de documents secrets ou ayant trait au terrorisme. Il émet des rapports et permet de mettre au jour des dysfonctionnements parfois accablants contre les forces de l’ordre, leurs actions, inactions ou éventuels manquements.
L’exemple allemand
L’exemple allemand est intéressant à relever dans le cadre de notre développement. En effet, il convient tout d’abord de noter que, pour le cas allemand, très peu d’accusations de violences policières à l’égard des citoyens étaient reportées ; la situation semble toutefois aujourd’hui changer sans pour autant connaitre le même degré que dans certains Etats membres de l’Union européenne, comme en France pour ne citer que cet exemple.
Outre-rhin, il n’existe pas de défenseur des droits national. En effet, trois Länder seulement disposent d’un tel acteur. Il est dénommé médiateur de police, ou Bürgerbeauftragte. Sa mission principale réside dans le règlement des litiges entre les citoyens et les forces de l’ordre. Il s’agit, comme son nom l’indique, principalement d’un rôle de médiation et ne disposent pas de moyens étendus, que ces moyens soient financiers ou bien encore humains. A ce sujet Beate Böhlen, médiatrice du Land du Bade-Wurtemberg, déplore un manque de moyens : six personnes sont chargées de cette mission dans ce qui constitue l’un des plus grands Länder allemands avec ses 11 millions d’habitants. Pour elle, il conviendrait d’accroitre les moyens et d’asseoir la légitimité de ce rôle.
Quid des autres Länder allemands ? Comment opèrent-ils en la matière ? Ces derniers reportent la charge de ces enquêtes, de ces plaintes, de ces missions sur les services de polices régionaux mais aussi sur les procureurs. Si une enquête est ouverte contre un policier, elle ne saurait être traitée par le service dont il dépend. Enfin notons que pour les enquêtes sur des faits particulièrement graves, ces dernières sont transférées au Bundeskriminalamt : l’office fédéral de la police criminelle.