La dissolution de l’Assemblée nationale : de quoi parle-t-on ?

Cette hypothèse est prévue par les dispositions de l’article 12 de la Constitution : elle permet au Président de la République de mettre un terme au mandat des députés de façon prématurée et de prévoir la tenue de nouvelles élections législatives. Cette arme est utilisée par le Chef de l’Etat lorsqu’une crise institutionnelle a lieu : dans notre cas, les résultats des élections européennes qui ont montré un désaveu des français envers la politique du camp présidentiel.

Concrètement, l’article 12 de notre norme suprême prévoit que la décision de dissoudre la chambre basse du Parlement revient exclusivement au Président de la République. Ce dernier doit néanmoins avoir consulté et le Premier ministre et les deux présidents des assemblées du Parlement. Notons que cette décision ne saurait être prise alors qu’un délai minimal d’un an ait été écoulé entre les élections législatives passées et ladite décision de dissolution.

Malgré des conditions d’utilisation relativement souples, il conviendra de noter que la dissolution ne saurait être décidée dans deux cas de figure : lors de l’intérim de fonction du Chef de l’Etat par le Président du Sénat ni encore lors de l’activation des dispositions de l’article 16 de la Constitution accordant, à ce dernier, les pleins pouvoirs.

Lorsqu’est décidée une telle dissolution, de nouvelles élections législatives doivent être planifiées. Celles-ci ne revêtent pas de particularités par rapport aux élections qui suivent traditionnellement l’élection du Chef de l’Etat. Ainsi elles prennent également la forme d’un scrutin majoritaire à deux tours et doivent être organisées dans un délai compris entre 20 et 40 jours suivant la décision. Par conséquent, le premier tour aura lieu le 30 juin prochain, le second tour le 7 juillet.


Cette décision a des impacts aussi bien sur le plan institutionnel que parlementaire. De quoi s’agit-il ?

Les impacts institutionnels d’une telle décision

Cette décision prise par le Chef de l’Etat, le 9 juin 2024, est lourde de conséquence sur plusieurs plans, tout d’abord le plan strictement institutionnel. En décidant de la sorte et en appelant donc les électeurs français à voter lors de nouvelles élections législatives, le Président de la République a dissocié l’élection présidentielle des élections législatives en vigueur depuis 2002. Ce calendrier électoral mis en place par Jacques Chirac permettait de confirmer par les urnes le choix des électeurs français lors de l’élection présidentielles. Ce calendrier avait alors mis fin aux périodes de cohabitations précédentes (1986-1988 ; 1993-1995 et 1997-2002).

Est-ce cependant la confirmation officielle de la fin de cette synchronisation entre élection présidentielle et élections législatives ? Pas réellement dans la mesure où ces deux élections pourraient de nouveau avoir lieu à quelques semaines d’intervalle, dès 2027, si le nouveau locataire de l’Elysée décidait de dissoudre l’Assemblée nationale à son arrivée au pouvoir.

Les impacts parlementaires d’une telle décision

Si cette décision impacte les aspects purement institutionnels, il n’en demeure pas moins qu’elle impacte également les parlementaires et le travail législatif en cours. En effet, par cette décision du Chef de l’Etat, l’ensemble des textes et travaux parlementaires sont dorénavant considérés comme abandonnés. L’impact est alors conséquent, notamment à l’égard du projet de loi sur la fin de vie, projet qui devait voir la fin de son examen à l’Assemblée nationale cette semaine. Ce qu’il convient de noter ici est que par la signature du décret de dissolution de l’Assemblée nationale par le Président de la République, la session ordinaire est de fait interrompue. Ces travaux pourront éventuellement être repris lors de la nouvelle mandature pour le cas où le (nouveau) gouvernement décide en effet de les présenter aux parlementaires nouvellement élus. Ces textes qui étaient jusqu’hier en discussion devront de nouveau subir les épreuves de la navette parlementaire.

Une décision de dissolution inédite ?

Cette décision de dissolution intervenant à l’issue des élections européennes est la première de l’histoire constitutionnelle de la Ve République mais ne revêt en rien un caractère inédit en tant que tel puisque l’arme de la dissolution avait déjà été actionnée depuis 1958. Deux d’entre elles furent couronnées de succès pour les Chefs de l’Etat qui en avaient décidé ainsi (pour Charles de Gaulle en 1962, puis pour Georges Pompidou en 1968).

Toutefois, trois autres décisions ne connurent pas le même succès politique. Jacques Chirac en fit par ailleurs les frais en 1997 lorsque le parti présidentiel perdit la moitié des sièges qu’il possédait jusqu’alors au sein du Palais Bourbon au profit du Parti Socialiste, ce qui avait alors permis à Lionel Jospin de devenir le nouveau locataire de Matignon et ouvrant la voie à une nouvelle période de cohabitation.

Cette décision revêt tout de même un caractère inédit parce qu’elle fut prise à la suite des élections européennes mais surtout parce qu’il s’agit de la toute première fois que les dispositions de l’article 12 de la Constitution sont utilisées depuis la réforme du quinquennat. Si l’on respecte les règles en matière électorale, les prochaines élections législatives auront lieu non pas en 2027 mais en 2029, deux ans après la prochaine élection présidentielle.

Il nous reste maintenant à observer ce que les semaines qui précèdent les nouvelles élections législatives nous réservent. Le sort final de cette décision de dissolution de l’Assemblée nationale nous sera communiqué à l’issue du second tour qui aura lieu le 7 juillet 2024…