Le Conseil constitutionnel fut créé par la Constitution du 4 octobre 1958 instituant la Ve République et inséré au sein de son Titre VII (cf. articles 56 à 63). Alors qu’Emmanuel Macron a proposé de nommer Jacqueline Gourault au Conseil constitutionnel, c’est l’occasion pour nous de nous intéresser à son fonctionnement et aux critiques qui y sont apportées. Qu’en est-il dans les faits ?
Une composition contestée
La composition du Conseil constitutionnel fait l’objet de quelques critiques. Il faut tout d’abord noter que c’est l’article 56 de la Constitution qui prévoit la composition du Conseil constitutionnel. Ainsi, il se compose de neuf membres dont le mandat n’est pas renouvelable, ce qui garantit leur indépendance. Un tiers de ses membres est renouvelé tous les trois ans, et, à cette occasion, le Chef de l’Etat mais aussi le Président du Sénat et de l’Assemblée nationale nomme chacun un de ces nouveaux membres. Son président est pour sa part nommé par le Chef de l’Etat.
Néanmoins, cette nomination des membres du Conseil constitutionnel par des autorités politiques n’est pas sans poser quelques questions et surtout elle fait l’objet de nombreuses critiques. Certains s’accordent à qualifier le Conseil constitutionnel comme un organe purement politique ; le Conseil ne serait alors pas réellement neutre eu égard aux luttes idéologiques mais aussi partisanes. Ces critiques sont accentuées par le fait que, dans la théorie, ces candidats n’ont pas à démontrer de condition particulière. Il faut tout de même noter que la pratique est toute autre puisque les membres du Conseil constitutionnel sont surtout de grands juristes, voire en tout état de cause des connaisseurs de la vie politique et publique française.
A l’égard de cette composition controversée du Conseil constitutionnel, il serait intéressant de souligner l’existence d’une particularité semblant aujourd’hui insoutenable, à savoir : les membres de droit résidant en la personne même des anciens Chefs de l’Etat. Pourquoi une telle critique ? Si cette particularité se comprenait lors de la création de cet organe, puisque cette fonction leur permettait de mettre à profit les expériences qu’ils avaient pu tirer du fonctionnement des institutions, la situation a aujourd’hui changé. Effectivement, le Conseil constitutionnel est une juridiction comme toutes les autres et surtout elle dispose de compétences distinctes aussi bien en matière électorale qu’en matière constitutionnelle, et elle est soumise aux dispositions contenues au sein de l’article 6 de la CEDH garantissant le droit à un procès équitable.
Enfin, il peut être retenu qu’à la suite de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 a été mis en place un contrôle parlementaire desdites nominations des futurs membres du Conseil constitutionnel. Ce contrôle impose que ces futurs membres soient interrogés par les parlementaires, auteurs des lois françaises, que ces membres devront en fin de compte contrôler dans le cadre de leurs différentes missions... Ce constat amène donc à une question et non des moindres : ce contrôle ne permet-il pas en définitive une politisation à nouveau accrue de ce mode de nominations ?
Le Conseil constitutionnel, un organe politique, un organe juridictionnel ?
La nature même du Conseil constitutionnel pose question. En ce sens, il calque certains de ses principes de fonctionnement sur les juridictions : il est composé par un nombre restreint de membres qui profitent d’un statut particulier qui leur garantit leur indépendance et doivent respecter certains devoirs (impartialité, par exemple) après qu’ils aient prêté serment. Il est également amené à trancher des questions de droit comme les juges, voire organiser le respect du principe du contradictoire toutefois dans des conditions différentes en fonction de son intervention (juge électoral ou lorsqu’il contrôle la constitutionnalité des lois), ou encore à s’intéresser à une question prioritaire de constitutionnalité qui détermine l’issue d’un procès.
Donc, si le Conseil constitutionnel peut s’apparenter à un organe juridictionnel, il peut aussi s’apparenter à un organe politique notamment du fait du mode de nomination de ses membres, par des autorités issues des pouvoirs exécutif et législatif, ou encore du fait de l’absence de certaines caractéristiques inhérentes à la procédure juridictionnelle.
De nouvelles propositions de nominations fortement critiquées
Une nomination a notamment suscité de vives critiques parmi la classe politique : celle décidée par Richard Ferrand, l’actuel Président de l’Assemblée nationale. Ce dernier a proposé le nom de Véronique Malbec. Ce dernier a en effet décidé de nommer la supérieure hiérarchique du procureur de la République de Brest qui avait décidé de classer sans suites une enquête préliminaire qui intéressait directement Richard Ferrand.
Souvenez-vous, cette affaire avait contraint l’actuel Président de l’Assemblée nationale à quitter le Gouvernement en 2017 alors qu’il faisait l’objet de soupçons de prise illégale d’intérêt à l’occasion de l’affaire des mutuelles de Bretagne. L’opposition de gauche critique le fait que cette nomination au Conseil constitutionnel n’est pas innocente et pose un véritable souci de confiance, d’autant plus que le Conseil constitutionnel « est chargé de trancher en dernier recours sur [les] droits et [les] libertés [des français] » (Julien Bayou, EELV).
Concernant les deux autres propositions de nominations, par Emmanuel Macron, et Gérard Larcher, le Président du Sénat, celles-ci sont aussi critiquées même si l’opposition les accuse principalement de « copinage » à quelques mois du premier tour de l’élection présidentielle.
Nul doute que ces différentes propositions de nominations des futurs membres du Conseil constitutionnel devraient continuer à faire couler de l’encre et à susciter de vives émotions dans la classe politique française.
Références
Pauline Turk, Les Institutions de la Ve République, éd. Gualino, Paris, 2013
https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-conseil-constitutionnel/presentation-generale#:~:text=Le%20Conseil%20constitutionnel%20est%20une,jours%20en%20cas%20d'urgence.
https://www.lefigaro.fr/politique/richard-ferrand-defend-sa-proposition-de-nommer-veronique-malbec-au-conseil-constitutionnel-20220215
https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/02/15/conseil-constitutionnel-trois-propositions-de-nominations-politiques-qui-posent-question_6113776_823448.html