Quels étaient les faits de l’espèce ?
Pour aboutir au prononcé d’une telle sanction à l’encontre du réseau social chinois, la Data Protection Commission, c’est-à-dire l’équivalent de la CNIL irlandaise, avait préalablement décidé de mettre en mouvement une enquête courant 2021. Cette régulatrice de la vie privée outre-Manche avait souligné le constat selon lequel le réseau TikTok avait décidé, par défaut, de rendre publics les profils des nouveaux usagers inscrits sur la plateforme. Ce qui fut notamment retenu dans cette décision, et à l’issue de cette enquête, réside dans le fait que ces profils étaient ceux d’individus mineurs, âgés de 13 à 17 ans.
Elle a considéré, dans sa décision, que TikTok n’avait en vérité pas protégé les données personnelles de ses utilisateurs nouvellement inscrits. La Data Protection Commission, le vendredi 15 septembre 2023, a par voie de conséquence décidé de prononcer une sanction d’ordre pécunier dont le montant constitue par ailleurs le plus important jamais décidé contre le réseau social TikTok sur le continent européen. En fait, l’enquête dont nous parlons et allons continuer d’évoquer dans ces développements a été ouverte à l’automne 2021 par la Data Protection Commission. Cette enquête intéresse une période particulière, comprise entre juillet et décembre de l’année précédente. Il convient de noter que cette affaire fut tranchée, arbitrée le Comité européen de la protection des données et à qui il revient de superviser l’ensemble des autorités européennes disposant des mêmes prérogatives que la CNIL irlandaise.
Qu’est-ce qui est reproché à ce réseau social ?
La régulatrice de la vie privée irlandaise, dans sa décision, tient rigueur au réseau social chinois TikTok d’avoir décidé, de manière strictement unilatérale, de rendre publics « par défaut » les nouveaux profils de ses utilisateurs, peu importe par ailleurs que ces derniers soient ou non majeurs. Elle avait retenu que ces profils intéressaient également ceux dont l’âge était compris entre 13 et 17 ans. Le fait d’avoir rendu ces profils publics impactaient l’ensemble des actions effectuées par ces utilisateurs sur le réseau social. En d’autres termes, l’utilisation faite par les utilisateurs de la plateforme était rendue publique lorsqu’ils publiaient des vidéos sur leur compte personnel, voire encore dès lors qu’ils publiaient des commentaires, ou bien des fonctionnalités diverses permises par le réseau social, à l’image de la publication de contenu effectué en duo avec d’autres utilisateurs de TikTok.
La lecture de cette décision permet également de comprendre que la Data Protection Commission a également mis en avant le fait que le mécanisme dit du « connexion famille » n’était pas suffisamment efficient dans sa mise en œuvre et dans les finalités qu’il cherche à garantir. En quoi consiste ce mécanisme particulier d’utilisation du réseau social ? Dans les faits, cette « connexion famille » est utilisée par le parent qui dispose déjà d’un compte personnel TikTok afin d’être apparié avec le compte personnel de son enfant, mineur, et ce, de manière à en contrôler l’usage (cela implique, entre autres, le visionnement de vidéos, le temps d’utilisation du réseau social ou bien encore la vérification du contenu des messages privés échangés avec d’autres utilisateurs). Si cette fonctionnalité a le mérite d’exister, il n’en demeure pas moins que le réseau social chinois n’est pas parvenu, à l’occasion de l’enquête ouverte courant 2021, à apporter la preuve que l’individu qui se dit « parent » dispose bel et bien d’un statut à l’égard de l’utilisateur mineur avec qui son compte est apparié.
Ces deux constatations majeures ayant été réalisées, la Data Protection Commission a de ce fait décidé de laisser un délai déterminé de trois mois au réseau social chinois pour que celui-ci procède à la modification des règles susmentionnées, et dont le contenu et l’application sont inadéquates.
À consulter :
La protection sur les réseaux sociaux : étude comparative des ordres juridiques malgache, français et européen
La réglementation de la protection des données personnelles en droit français
La protection des données personnelles
Qu’en disent les responsables du réseau social chinois ?
Il ne fallait pas en douter, les responsables du réseau social chinois n’ont pas tardé à réagir face à cette nouvelle condamnation dont TikTok a fait l’objet. En effet, à l’issue du prononcé de cette sanction, le réseau social a décidé de publier un communiqué de presse dont la lecture nous permet de comprendre que l’entreprise considère que les conclusions avancées par la Data Protection Commission « ne sont plus pertinentes » dans la mesure où ses responsables ont décidé, bien avant que l’enquête ne soit mise en mouvement, de corriger le contenu de certains réglages. Ils arguaient notamment de la modification de la configuration par défaut « du mode privé de tous les comptes [des utilisateurs] de 13 à 15 ans » dès les premières semaines de l’année 2021.
En outre le réseau social avance, dans ce même communiqué de presse, que des actions ont été menées et instaurées à l’effet de protéger ses utilisateurs les plus jeunes, plus spécifiquement une restriction instaurée par défaut pour les individus en mesure de commenter une vidéo qui aurait été créée par un mineur âgé de moins de 15 ans. Sous ce même rapport, les responsables du réseau social chinois énoncent qu’ils avaient également mis en place une incapacité complète de pouvoir utiliser ou réutiliser un ou plusieurs contenus mis en ligne par un autre utilisateur dès lors que ce dernier est âgé de moins de 16 ans.
Cette décision intervenue mi-septembre 2023 n’est pas la seule dont le réseau social a pu faire l’objet cette année. En effet, dans un précédent article, nous avions mentionné la condamnation de TikTok par la Commission nationale de l’informatique et des libertés au versement d’une amende. Le réseau social avait été épinglé pour sa gestion des cookies effectuée sur son site internet.