Ce placement a duré neuf jours et fut effectué dans des conditions défavorables. Ce dernier constitue par conséquent une violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. Décryptage.
Dans notre cas d’espèce, les juges de la Cour procède à l’analyse de la requête au fond : il est argué de différentes atteintes aux droits protégés par la Convention, notamment l’interdiction de la torture et des peines et des traitements inhumains telle que prévue par l’article 3 CEDH ainsi que le droit à la liberté et à la sûreté, protégé par son article 5.
Dans ses paragraphes 54 et 55, la Cour rappelle que la rétention administrative revêt la nature d’une mesure de dernier ressort et que le juge national est contraint de contrôler si une autre mesure aurait pu être prise par les autorités nationales. Les juges de la CEDH ont conclu que tel n’a pas été le cas pour les autorités françaises en l’espèce. Aussi, dans son paragraphe 66, la Cour rappelle explicitement que le juge national doit d’abord contrôler la légalité de la détention en considérant bien évidemment les dispositions de droit interne mais également les dispositions contenues au sein de la Convention elle-même. De nouveau, les juges ont considéré, dans notre cas d’espèce, que les juridictions nationales n’ont pas contrôlé de manière effective cette détention et les conditions qui l’ont entourées. Par conséquent, ces dernières n’ont pas contrôlé le fait qu’il y ait pu avoir, ou non, une atteinte portée contre les droits et les libertés que la CEDH garantit pourtant.
C’est à l’appui de ces différents éléments développés par la Cour européenne des droits de l’homme qu’il fut finalement considéré que l’Etat français avait méconnu les dispositions contenues au sein des articles 3 et 5, §1 et 5, §4 de la CEDH.
Références
https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22:[%22001-224446%22]}
https://euaa.europa.eu/sites/default/files/public/Dublin-FR.pdf
https://www.actu-juridique.fr/breves/conv-edh/cedh-retention-administrative-dune-mere-et-de-son-nourrisson/
https://blog.landot-avocats.net/2023/05/14/une-semaine-dactualite-sanitaire-et-sociale-edition-du-14-5-2023/
Les faits de l’espèce
Dans le cas d’espèce, il s’agissait d’une mère et de son enfant âgé de sept mois et demi. Ces derniers se sont rendus sur le territoire national en qualité de demandeurs d’asile. L’Etat français a décidé d’appliquer les dispositions du règlement Dublin III (cf. règlement UE n°604/2013 du 26 juin 2013) car il fut considéré qu’il revenait exclusivement à l’Espagne de prendre la responsabilité de leur demande d’asile. Ils furent par conséquent placés en rétention administrative avant que leur transfert ne soit effectué en territoire espagnol. D’abord d’une durée de quarante-huit heures, la rétention administrative dont ils firent tous deux l’objet fut prolongée, après l’accord exprès des juridictions nationales, pour une durée fixée à vingt-huit jours. C’est ici qu’intervient la CEDH après que celle-ci ait été saisie d’une demande provisoire : cette dernière décide de commander la fin de la privation de liberté des deux individus à l’issue du neuvième jour de rétention (cf. §16 de la décision).Une mesure provisoire : de quoi parle-t-on ?
Afin de répondre à la question de savoir à quoi correspond cette notion de « mesure provisoire », il est nécessaire de se reporter aux dispositions contenues au sein de l’article 39 du règlement de la Cour européenne des droits de l’homme. Cet article prévoit notamment la possibilité accordée aux juges de la Cour de demander aux Etats de prendre des mesures qualifiées de provisoires et qui doivent permettre de garantir l’intérêt des parties en cause ainsi qu’un déroulement valable de la procédure en question. Il est ici intéressant de relever que par principe, la Cour ne procède ainsi « que dans des cas véritablement exceptionnels » pour le cas si particulier où il y aurait une menace réelle de dommages graves qui seraient portés à l’encontre des droits et les des libertés garantis par la Convention européenne des droits de l’homme (cf. en ce sens, CEDH, A.S. c/ France, 19/04/2018, n° 46240/15). De telles mesures provisoires interviennent nécessairement préalablement à tout jugement.Dans notre cas d’espèce, les juges de la Cour procède à l’analyse de la requête au fond : il est argué de différentes atteintes aux droits protégés par la Convention, notamment l’interdiction de la torture et des peines et des traitements inhumains telle que prévue par l’article 3 CEDH ainsi que le droit à la liberté et à la sûreté, protégé par son article 5.
L’article 3 CEDH
En l’espèce, il est fait mention d’un traitement inhumain dont la mère et son jeune enfant ont fait l’objet, suite aux circonstances entourant la rétention administrative qui aurait méconnu les besoins du nourrisson. Il revient aux juges de la Cour de déterminer s’il y a bien eu violation des dispositions de cet article 3 CEDH, eu égard précisément au placement en rétention administrative de mineurs accompagnés. Pour ce faire, ils apprécient trois critères. Tout d’abord, l’âge de l’enfant ; ensuite, les locaux sont-ils ou non adaptés aux besoins des enfants mineurs ? ; finalement, la durée totale de cette rétention administrative (cf. §37 de la décision). Il fut retenu que l’environnement dans lequel a eu lieu cette rétention administrative, pour un nourrisson, est de nature à résulter sur « des conséquences néfastes sur un [nourrisson]. » Ils jugent finalement que ces conditions de rétention ont été de nature à porté atteinte aux dispositions de l’article 3 CEDH, aussi bien pour l’enfant que pour sa mère du fait des « liens inséparables qui [les] unissent » (cf. §41, 43 et 44 de la décision).L’article 5 CEDH
Dans le cas d’espèce, les juges de la CEDH vont analyser le droit à la liberté et à la sûreté en s’intéressant aux paragraphes premier et quatrième de cet article 5 CEDH. Le premier alinéa intéresse explicitement le droit à la liberté et à la sûreté et prévoit qu’un individu ne pourra valablement être privé de sa liberté qu’en application de règles légales, tandis que le quatrième alinéa prévoit qu’un recours peut être introduit devant une juridiction lorsqu’un individu fait l’objet d’une mesure privative de liberté. La juridiction devra se prononcer dans un bref délai et si celle-ci conclut que la détention est illégale, alors elle devra nécessairement ordonner la libération de l’individu.Dans ses paragraphes 54 et 55, la Cour rappelle que la rétention administrative revêt la nature d’une mesure de dernier ressort et que le juge national est contraint de contrôler si une autre mesure aurait pu être prise par les autorités nationales. Les juges de la CEDH ont conclu que tel n’a pas été le cas pour les autorités françaises en l’espèce. Aussi, dans son paragraphe 66, la Cour rappelle explicitement que le juge national doit d’abord contrôler la légalité de la détention en considérant bien évidemment les dispositions de droit interne mais également les dispositions contenues au sein de la Convention elle-même. De nouveau, les juges ont considéré, dans notre cas d’espèce, que les juridictions nationales n’ont pas contrôlé de manière effective cette détention et les conditions qui l’ont entourées. Par conséquent, ces dernières n’ont pas contrôlé le fait qu’il y ait pu avoir, ou non, une atteinte portée contre les droits et les libertés que la CEDH garantit pourtant.
C’est à l’appui de ces différents éléments développés par la Cour européenne des droits de l’homme qu’il fut finalement considéré que l’Etat français avait méconnu les dispositions contenues au sein des articles 3 et 5, §1 et 5, §4 de la CEDH.
Références
https://hudoc.echr.coe.int/fre#{%22itemid%22:[%22001-224446%22]}
https://euaa.europa.eu/sites/default/files/public/Dublin-FR.pdf
https://www.actu-juridique.fr/breves/conv-edh/cedh-retention-administrative-dune-mere-et-de-son-nourrisson/
https://blog.landot-avocats.net/2023/05/14/une-semaine-dactualite-sanitaire-et-sociale-edition-du-14-5-2023/