Une demande initiale de retrait ou d'opposition à l'installation d'un compteur Linky
Un trouble manifestement illicite caractérisé ?
Une demande initiale de retrait ou d'opposition à l'installation d'un compteur Linky
En l'espèce, il s'agissait tout d'abord d'une assignation de la société Enedis devant l'office du juge des référés du Tribunal de grande instance de Bordeaux par différents particuliers. Ces derniers demandaient en effet que soient retirés de tels compteurs électriques Linky tandis que d'autres s'opposaient à son installation.
Le juge des référés concerné avait donné raison aux demandeurs et avait justifié sa décision en précisant que ces derniers justifiaient d'un trouble manifestement illicite par manquement au principe de précaution. Plus précisément, le juge des référés avait constaté qu'une telle installation de compteurs Linky avait été effectuée au domicile des demandeurs ou été simplement envisagée alors même qu'aucun filtre de protection des champs électromagnétiques ne serait ajouté et en dépit du fait que les demandeurs étaient bien atteints d'électro-hypersensibilité. Ainsi la société Enedis avait été condamnée à installer ledit filtre.
Un trouble manifestement illicite caractérisé ?
Mécontente de cette décision, la société Enedis a de fait décidé d'interjeter appel ; plus précisément, cet appel a constitué l'occasion parfaite pour les juges de la Cour administrative d'appel de Bordeaux de s'intéresser à la reconnaissance ou pas d'un tel trouble manifestement illicite, non seulement du fait de la violation du principe de précaution, mais aussi de la violation d'un défaut d'information, de même qu'à l'égard de l'existence de pratiques commerciales trompeuses, avant de s'intéresser à l'application de dispositions du RGPD -le règlement général sur la protection des données.
Tout d'abord, la Cour administrative d'appel a écarté l'application du principe de précaution en ce que le risque environnemental qui exposerait les usagers est non seulement insuffisant, mais aussi incertain pour que soit déclenchée utilement l'application dudit principe.
Par ailleurs, concernant l'obligation d'information, les juges de la Cour d'appel relèvent que la société Enedis est bien soumise aux obligations découlant des dispositions de l'article L.111-1 du Code de la consommation. Cet article oblige au « professionnel » de communiquer « au consommateur, de manière lisible et compréhensible » les caractéristiques essentielles d'un bien voire d'un service avant que ce dernier « ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services ». À cet égard, la Cour a retenu que la société Enedis n'a pas rempli ces obligations légales en ce que certains documents fournis par la société concernant le fonctionnement du compteur étaient faussés. Ainsi, certaines fonctionnalités propres au compteur Linky étaient manquantes d'autant plus que ledit compteur n'est pas, pour la Cour, « à l'évidence (...) un simple compteur électrique (...) comme tente de l'affirmer improprement Enedis dans sa notice d'information ».
Finalement, les juges de la Cour rappellent qu'il n'existe « aucun texte légal ou réglementaire, européen ou national » imposant à la société Enedis, en sa qualité de société commerciale privée, concessionnaire du service public, « d'installer au domicile des particuliers des compteurs Linky ».
Si en l'espèce les demandeurs justifiaient d'une sensibilité aux champs électromagnétiques, il apparaît envisageable de considérer que ces considérations prétoriennes trouveraient à s'appliquer à tous les consommateurs...
Sources :
- Cour d'appel de Bordeaux, Première Chambre civile, 17 novembre 2020
- Article L.111-1 du Code de la consommation