Pourquoi de telles tensions exacerbées depuis le début de l'année ? 

Dernièrement se sont cumulées un certain nombre d'arrestations d'influenceurs franco-algériens en France suite à des appels à la haine à l'encontre d'opposants au régime algérien et postées sur TikTok.

L'un de ces influenceurs, dont l'arrestation semble avoir fait le plus grand bruit, fut arrêté à Montpellier le 5 janvier 2025. « Doualemn » avait en effet publié une vidéo dans laquelle celui-ci appelait à des actes de violence à l'encontre d'un opposant au régime algérien actuel. Ce dernier fut placé en centre de rétention administrative avant d'être expulsé vers l'Algérie quelques jours plus tard. 

Toutefois cet influenceur fait l'objet d'une interdiction de territoire par les autorités algériennes selon les dires du Ministère français de l'Intérieur. Son avocat, Me Jean-Baptiste Mousset, avait fait savoir à l'Agence France Presse que dans la mesure où son client fut « refusé par les autorités algériennes », il était par conséquent sur le chemin du retour vers la France. Et le conseil de l'influenceur d'ajouter que l'exécutif français avait « précité son expulsion » et ce faisant, cette mesure n'avait pu être examinée par un juge compétent. Selon lui encore « des moyens exceptionnels » regrettables ont été mis en place alors qu'une audience était planifiée le 24 février 2025. 

Le lendemain de cette extradition manquée, le 10 janvier, l'actuel Ministre de l'Intérieur Bruno Retailleau s'est ému de la situation en déclarant qu'un « seuil extrêmement inquiétant » avait été atteint avec l'Algérie, soulignant que le pouvoir algérien ne recherchait rien d'autre que « d'humilier la France » et que cette situation était intolérable. 

 

Quel est plus exactement le contexte des relations franco-algériennes ?

Il est nécessaire de rappeler le contexte des relations franco-algériennes tant les relations qui préexistaient étaient déjà compliquées entre les deux pays. En dépit d'une volonté politique française portée par Emmanuel Macron courant 2022 afin de se rapprocher de l'Algérie notamment à l'égard de "la question du passé", des difficultés diplomatiques sont néanmoins intervenues régulièrement entre ces deux Etats sur différents points de vue, notamment sécuritaire et économique. 

Cette accélération des tensions semble prendre racine dans les positions qui ont été adoptées par le gouvernement français à l'égard du Sahara occidental. Cette partie du Sahara est en fait une ancienne colonie espagnole dépourvue de tout statut précisément défini par l'Organisation des Nations Unies, et oppose les indépendantistes sahraouis, qui détiennent le soutien de l'Algérie, et le Maroc. Le Chef de l'Etat français, en juillet dernier, a inscrit la position diplomatique de la France sur les considérations américaines et espagnoles à ce sujet, c'est-à-dire qu'il a estimé que ce territoire entre « dans le cadre de la souveraineté marocaine ». Si cette position a apaisé les relations franco-marocaines, elle n'a pas manqué de creuser un peu plus le fossé déjà existant dans les relations entre Paris et Alger. Pour rappel, depuis 2021, le Maroc et l'Algérie ont gelé toute relation diplomatique. 

Notons également le contexte dû à l'arrestation de Boualem Sansal, écrivain franco-algérien, en novembre 2024 accusé « d’atteinte à la sûreté de l’Etat ». Son état de santé s’est par ailleurs dégradé dernièrement. Pour Emmanuel Macron, le fait que cet écrivain ne puisse être soigné « n’est pas à la hauteur de ce [qu’est l’Algérie] ». Ses propos n’ont pas manqué de faire réagir le ministère algérien des Affaires étrangères qui a déclaré que ceux-ci constituent « une immixtion éhontée et inacceptable dans une affaire interne algérienne ». 

 

Quelles sont les actions envisagées par la France ? 

Bruno Retailleau s’est exprimé au sujet des difficultés relationnelles rencontrées entre les deux pays et a évoqué que le gouvernement « [évalue] tous les moyens (…) pour défendre les intérêts [français] ». Cette déclaration fut appuyée par Jean-Noël Barrot, actuel ministre des Affaires étrangères, qui considéra que pour le cas où la situation perdure, la France ne disposera pas d’autre choix « que de riposter ». Quels sont ces moyens possibles ? Ce sont, entre autres, les aides au développement ou encore la délivrance de visas. L’ancien Premier ministre, Gabriel Attal, a pour sa part évoqué la dénonciation de l’accord franco-algérien, conclu en 1968, et qui attribue un statut particulier aux ressortissants algériens concernant, par exemple non exhaustif, leur séjour en France. Soulignons toutefois que les règles ont bien changé les concernant du fait d’avenants signés et qui, finalement, n’ont eu pour autre conséquence que de leur appliquer les règles des ressortissants étrangers hors Union européenne. 

A ces déclarations, à ces effets d’annonce, le gouvernement algérien n’a pas manqué de réagir, en estimant que les accusations portées à l’encontre de l’Algérie constituent une « humiliation » et une « campagne de désinformation, voire de mystification » à son encontre. A ce sujet, pour le ministère algérien des Affaires étrangères, cette campagne qualifiée ainsi est en partie menée par « l’extrême droite revancharde et haineuse ». 

Concernant la situation de « Doualemn », il précise que compte tenu des « violations des droits acquis » par ce dernier sur le territoire national, il est nécessaire que le principal intéressé soit en mesure de répondre aux accusations dont il fait personnellement l’objet mais également « de faire valoir ses droits » à l’occasion d’« un processus judiciaire juste et équitable » en France, ceci constituant finalement pour les autorités algériennes « un rempart contre l’abus de pouvoir ». L’Algérie considère qu’en ayant procédé de la sorte concernant « Doualemn », la stratégie employée par l’Etat français, c’est-à-dire l’absence d’information de l’Algérie quant à l’arrestation, la mise en garde à vue, la détention et finalement l’extradition, n’a eu pour autre effet que la violation des dispositions contenues au sein de la Convention consulaire de 1974, conclu entre Paris et Alger.

 

Références

https://www.liberation.fr/checknews/quelle-est-lorigine-de-la-recente-vague-dinterpellations-dinfluenceurs-algeriens-20250108_XBF45TF6HVE6DHLHSKCE3SCMGM/

https://observalgerie.com/2025/01/08/politique/reponse-forte-lalgerie-propos-macron/

https://www.liberation.fr/checknews/quelle-est-cette-nomenklatura-algerienne-qui-peut-se-rendre-en-france-sans-visa-comme-le-deplore-darmanin-20250114_W3JCZOZHUBGF3FFXAW6HW4LFUQ/

https://www.nouvelobs.com/chroniques/20250115.OBS99005/france-algerie-acte-de-divorce.html