Une convention judiciaire d’intérêt public (ci-après CJIP) : de quoi parle-t-on ? 

Deux enquêtes ont été diligentées à l’encontre de Nestlé Waters, concernant de possibles forages illégaux dans une nappe phréatique mais aussi concernant des traitements de purification interdits. A l’issue de ces enquêtes, l’entreprise a reconnu les avoir effectués, mais surtout celles-ci se sont soldées par la conclusion d’une convention judiciaire d’intérêt public entre elle et le parquet d’Epinal. 

Mais alors, de quoi parle-t-on précisément ? Cette convention a été introduite en droit français par la loi « Sapin II » du 9 décembre 2016. Ce processus transactionnel permet, dans pratique, de mener des procédures efficaces lorsqu’elles concernent tout spécialement les personnes morales. 

Les règles inhérentes à ce mécanisme sont retrouvées au sein de l’article 41-1-2 du code de procédure pénale. Ces dispositions permettent notamment que soit versée au profit du Trésor public une amende d’intérêt public mais également la mise en place d’un programme de mise en conformité ; il est important de noter, cependant, que ces mêmes dispositions ne sauraient résulter sur une déclaration de culpabilité, et ne sauraient utilement et juridiquement revêtir la nature ni même encore les effets d’un jugement. 

Dans le cadre de cette CJIP avec le parquet d’Epinal, Nestlé Waters devra s’acquitter du paiement d’une amende de deux millions d’euros et ce, dans un délai déterminé de trois mois après cette conclusion. 

La filiale devra également procéder à la réparation de son impact écologique concernant deux cours d’eaux particuliers mais également rétablir, sous l’égide de l’Office français de la biodiversité, des zones humides déterminées, pendant un délai de deux ans. 

Outre la conclusion de cette convention avec la justice, Frédéric Nahon, le Procureur de la République d’Epinal, a précisé qu’il a été acté que la filiale du groupe Nestlé procède à l’indemnisation d’association spécialisées dans la défense de l’environnement, pour un montant de 516 800€. 

Plus précisément, en quoi consistaient ces enquêtes préliminaires ?

Comme précisé ci-dessus, cette convention judiciaire d’intérêt public fut conclue après la mise en mouvement de deux enquêtes préliminaires. La toute première enquête intéressait l’inadéquation des autorisations administratives pour procéder à des captages tandis que la seconde intéressait l’utilisation de traitements non autorisés par la réglementation sur des eaux minérales.

Il a été jugé par le parquet d’Epinal que la société a mis un terme aux irrégularités qui avaient pu être mises en lumière et surtout a arrêté les traitements des eaux qui n’étaient pas autorisés. Il a également été souligné que la société a « pleinement coopéré » avec les autorités compétentes, à la fois administratives et judiciaires dans le cadre de ces enquêtes. Il fut également communiqué par le parquet d’Epinal que la santé publique n’a pas été impactée. 

Par voie de conséquence, il a été décidé par le parquet de proposer la conclusion d’une telle convention avec la société, cette dernière permettant de « sanctionner » les non-conformités relevées lors de ces enquêtes, mais surtout de « [régulariser] la situation » de la façon la plus rapide et la plus efficace possible, tout en « [réparant] l’impact écologique » et en permettant « l’indemnisation de plusieurs parties. »


Les critiques portées à l’encontre de cette convention

Si la procédure apparait louable, il n’en demeure pas moins qu’elle est critiquée notamment par l’association UFC-Que choisir, qui considère que cette convention démontre « les limites actuelles et malheureuses de la justice en France ». Selon l’avocat d’une des associations requérantes, tout en critiquant la conclusion de cette convention, celle-ci « permet [néanmoins dans les matières environnementales], d’avoir une réponse rapide. »

Aussi, il a été demandé à deux associations qui avaient déposé plainte contre Nestlé de procéder au chiffrage des préjudices dont elles se plaignent tout en critiquant vivement la solution qui a été trouvée et qui réside dans la convention susmentionnée. Pour elles, cette conclusion ne serait autre chose qu’une solution de facilité pour Nestlé Waters qui est ainsi en mesure « de s’en sortir sans autre explication ni conséquence » que le versement de la somme précitée. Pour d’autre, la conclusion de cette convention « permet [à ceux ayant] de l’argent d’échapper à un jugement et à un casier judiciaire. » 

Cependant, si cette convention n’avait pas été conclue, pour un autre observateur de la situation, et dans la mesure où la justice française ne dispose que de peu de moyens, contrairement au géant Nestlé, la procédure judiciaire aurait pu durer encore plusieurs années et les délits en cause auraient pu être oubliés et surtout la sanction qui aurait pu être prononcée aurait été « ridicule ». Sous ce rapport particulier, cette convention est « [révélatrice] d’une justice qui fonctionne mal » dans la mesure où si elle bénéficiait en effet de l’ensemble des moyens nécessaires à son fonctionnement, alors il y aurait eu « un procès en bonne et due forme ». 

Notons en fin de compte que la société Nestlé France avait déjà procédé à la signature d’une convention judiciaire d’intérêt public. En effet, remontons à l’automne 2022 : le procureur de Charleville-Mézières avait proposé la conclusion d’une telle convention concernant la pollution d’une rivière intervenue en 2020, pollution qui avait causé la mort de près de six tonnes de poissons. La société avait signé cette convention alors même qu’elle contestait être à l’origine de la pollution en question…