Énoncé

Alice, 27 ans, file le parfait amour avec Robin de deux ans son aîné, depuis trois ans, après s'être fiancés en septembre ils préparent leur mariage pour la semaine prochaine. Alors qu'elle rentre d'une réunion épuisante et éreintante à son travail d'ingénieure électronique, elle reçoit un message de Robin qui lui demande où elle se trouve, elle lui répond être sur la route pour rentrer à leur domicile conjugal. Cependant, à son arrivée elle trouve porte close, Robin lui jette ses affaires par la fenêtre et l'accuse de ne pas être assez impliquée dans leur mariage. Il rompt leurs fiançailles et appelle leur wedding planner pour qu'il annule leur mariage sans en informer Alice qui décide de retourner chez ses parents le temps de retrouver un logement.

Les préjudices d'Alice peuvent-ils être indemnisés ?


Résolution du cas pratique

      I.     La nature de la responsabilité de Robin

En droit, le principe de non-cumul interdit d'engager simultanément la responsabilité délictuelle et la responsabilité contractuelle pour les mêmes faits. En conséquence, lorsque la responsabilité contractuelle peut être engagée, la responsabilité délictuelle devra être exclue. La responsabilité civile contractuelle peut être engagée uniquement lorsque le dommage résulte d'une inexécution d'une obligation d'un contrat liant les deux parties. En droit, au contraire du mariage, les fiançailles ne sont pas un contrat liant les deux parties, chacune conservant sa liberté de ne pas se marier tant que la rupture n'est pas fautive. La responsabilité délictuelle pour faute d'une personne peut être engagée lorsqu'elle cause par son fait personnel un dommage à autrui.

En l'espèce, Robin et Alice se sont fiancés, mais ne se sont pas mariés.

En conséquence, la responsabilité extracontractuelle de Robin peut être engagée sur le fondement de son fait personnel.

    II.     Les conditions de la responsabilité délictuelle de Robin

La responsabilité délictuelle des articles 1240 et 1241 du Code civil peut être engagée à la condition de démontrer l'existence d'un dommage réparable, d'une faute et d'un lien de causalité entre les deux.

A.   Le dommage

1)    Identification du préjudice

Le dommage correspond au fait qui s'est réalisé et dont le préjudice est la conséquence juridique.

En l'espèce, le mariage d'Alice a été annulé à la suite de la rupture brutale avec Robin et elle n'a plus de logement.

En conséquence, Alice souffre d'un préjudice moral résultant du dommage moral de la rupture des fiançailles et l'annulation du mariage ainsi qu'un préjudice patrimonial dû aux dépenses pour retrouver un logement et celles engagées dans le mariage.

2)    Le caractère réparable du préjudice

Le préjudice est réparable lorsqu'il est certain, personnel, légitime et direct. Le caractère direct du préjudice s'examine selon l'existence d'un lien de causalité. La légitimité du préjudice correspond à la réparation d'un intérêt juridiquement protégé.

En l'espèce, Alice souffre personnellement de la rupture de ses fiançailles et de la perte de son logement et des dépenses engagées dans ce mariage.

En conséquence, Alice souffre d'un préjudice certain puisque les pertes financières et la souffrance morale ne peuvent être niées, elle souffre personnellement de ces préjudices et ces préjudices sont légitimes, car ils ne sont pas illicites.

 

B.   La faute

Les articles 1240 et 1241 du Code civil prévoient que la responsabilité délictuelle peut être engagée par la commission d'une faute. La faute correspond au comportement contraire à une norme préexistante. La faute engageant la responsabilité délictuelle peut constituer une simple faute d'imprudence ou de négligence. Cette faute peut être intentionnelle ou non, d'action ou d'omission. La Cour d'appel d'Aix dans un arrêt du 3 mars 2005 a conclu à la possibilité d'indemniser les fiançailles fautives et la Cour de cassation a confirmé que la faute dans la rupture des fiançailles peut résulter du caractère brutal et injustifié de la rupture.

En l'espèce, la rupture des fiançailles a eu lieu à quelques jours du mariage et Robin a prétexté un manque d'implication de la part d'Alice et a mis fin à leur relation en l'excluant du logement conjugal.

En conséquence, Robin a commis une faute en rompant les fiançailles de manière aussi brutale et injustifiée.

C.   Le lien de causalité

Le lien de causalité doit être certain et direct pour engager la responsabilité du fait personnel. La causalité est appréciée in concreto selon deux théories : la théorie de la causalité adéquate ou de l'équivalence des conditions. L'équivalence des conditions permet de prendre en compte tous les évènements qui ont concouru à la réalisation du dommage. La causalité adéquate quant à elle permet de prendre en considération l'événement qui a le plus concouru à la production du dommage, prendre l'évènement qui selon le cours normal des choses produit le dommage. Ce lien de causalité disparaît lorsqu'une cause étrangère au responsable peut être caractérisée, il peut s'agir d'un cas de force majeure c'est-à-dire l'existence d'un évènement imprévisible, irrésistible et extérieur au responsable.

En l'espèce, la faute commise par Robin est directement la cause du dommage.

En conséquence, le lien de causalité est certain et direct puisque la rupture est à l'origine des préjudices moraux et extrapatrimoniaux.

En conclusion, la responsabilité de Robin peut être engagée du fait de sa faute dans la rupture des fiançailles.