Un risque majeur pour le gouvernement : être renversé
La France a commencé l'année 2025 sans disposer d'un budget officiellement voté. Cette situation particulière appelle le gouvernement de François Bayrou à la prudence et le contraint finalement à faire des compromis avec les nombreuses oppositions à l'Assemblée nationale, ou à envisager d'imposer son point de vue en la matière.
Le gouvernement est donc face à un challenge, à savoir qu'il doit faire adopter le nouveau budget pour l'année qui vient de démarrer sans pour autant se faire renverser par une majorité de députés. Nous avons bien vu ce qui s'est passé pour l'ancien gouvernement Barnier qui n'a pas survécu au vote des parlementaires. La situation est particulière car il ne s'agit là que de la seconde fois dans l'histoire de notre Ve République que le pays débute l'année sans aucune loi de finances votée. Souvenez-vous, l'année 1980 et le gouvernement Barre alors au pouvoir : la loi avait bien été adoptée mais déclarée par le Conseil constitutionnel contraire aux dispositions constitutionnelles suprêmes. Une loi de finances spéciale avait du être votée avant que la loi des finances définitive ne soit votée en janvier de la même année.
La situation que nous connaissons est quelque peu distincte du fait du chemin législatif difficile de la loi de finance concernée. Le projet de loi fut déposé bien en retard devant le Parlement du fait des difficultés de former un nouveau gouvernement, suite à la dissolution de l'Assemblée nationale à l'été 2024. Les tensions ont monté à l'Assemblée nationale et les députés décidèrent en fin de compte de rejeter une partie du texte en discussion.
À ces constatations il nous faut toutefois noter que le rejet d'une partie du projet de loi ne signifie pas pour autant que celui est, dans sa totalité, rejeté. Le projet de l'ancien gouvernement reprend le chemin législatif et comprendra des rectifications et apports du gouvernement Bayrou.
Dans tous les cas, la situation est complexe pour le Premier ministre tant les tensions entre les groupes au sein du Palais Bourbon sont prégnantes. Si le gouvernement dispose de différentes alternatives au niveau procédural, reste bien toute la problématique liée d'une part à l'adoption du projet de loi, d'autre part de la survie juridique du gouvernement en cas de désaccord et alliances entre les groupes à l'Assemblée.
Comprendre l'adoption de la loi de finances
Il est important de retenir que l'adoption d'une telle loi de finances est scindée en deux parties distinctes qui impose le vote obligatoire de la première avant de pouvoir valablement discuter, puis voter, la seconde. La situation actuelle est donc la suivante : la procédure a été suspendue, le processus, le chemin législatif du projet prend du retard mais ceci ne l'interrompt pas pour autant dans son intégralité.
Il ne sera aucunement nécessaire de rediscuter le texte depuis son départ car, rappelons-le, la procédure législative a été interrompue alors que la première partie fut adoptée par le Sénat, le 1er décembre 2024. Ainsi, la discussion a repris devant les sénateurs le 15 janvier dernier avec un objectif principal important : voter très rapidement le texte dans son intégralité. Cette étape n'est pas la plus risquée pour le gouvernement qui devra trancher par des choix politiques dont l'issue n'est pas certaine pour lui. Il pourrait décider de convoquer une commission mixte paritaire si les deux chambres sont en désaccord. À charge pour elle de trouver un compromis entre les chambres. Notons, si cette option était choisie, que l'Assemblée nationale serait respectée quant à la discussion parlementaire car les députés ne sont pas prononcés sur l'ensemble du texte concerné. Néanmoins il nous faut en parallèle souligner le fait qu'il s'agit ici d'un pari politiquement compliqué quant à son résultat final car les oppositions au Palais Bourbon pourraient débattre longuement sur le budget.
Pour éviter cela, le gouvernement pourrait décider de saisir directement la commission mixte paritaire en vertu de l'article 45 de la constitution suite à l'adoption du texte par le Sénat. Resterait alors à cette commission de trouver un compromis sur un texte dont les dispositions n'ont pas été adoptées par l'Assemblée nationale... Imaginons qu'un accord est arrêté en commission, chaque chambre devra approuver le texte finalement arrêté. Dans l'hypothèse où persisteraient des désaccords il est envisageable que l'Assemblée nationale ait le dernier mot. L'issue pourrait être incertaine, d'autant que le gouvernement est dépourvu d'une majorité au sein du Palais Bourbon...
Quid de l'article 49, al. 3, de la Constitution ?
Le Premier ministre bénéficie de plusieurs outils de nature constitutionnelle afin que le projet de loi de finances soit adopté. Le tout premier, le très célèbre et non des moindres 49, alinéa 3, de la Constitution. Son utilisation valable n'est cependant pas certaine car même si le Conseil constitutionnel a pu déclarer que le gouvernement peut l'utiliser sur l'ensemble du texte des nouvelle lecture et donc après la convocation de la commission mixte paritaire, les décisions rendues à ce sujet intéressaient des textes qui avaient été adoptés en première lecture par les membres Palais Bourbon. Or dans notre situation actuelle, tel n'est pas le cas...
Par conséquent, le gouvernement n'aurait pas d'autre possibilité que celle de respecter les votes sur les deux parties du texte concerné et ensuite sur l'ensemble du texte ? Les débats s'annoncent vifs à l'encontre du gouvernement et surtout les députés pourraient tout simplement évincer certaines dispositions insérées par le gouvernement dans ce texte.
Quid des ordonnances ? Il serait également possible au gouvernement de décider d'actionner les dispositions contenues au sein de l'article 47 de la Constitution et ainsi de prendre des ordonnances. Pour des questions pratiques, nous ne pouvons entrer dans le détail de cet outil constitutionnel, mais nous pouvons aisément affirmer qu'il permettrait à la France de disposer enfin d'un budget. Toutefois en utilisant les ordonnances de l'article 47 de la Constituons, il est quasi certain que l'opposition critiquera cet usage et finalement il pourrait être décidé de renverser le nouveau gouvernement...
Références
https://lcp.fr/actualites/budget-2025-la-cmp-aura-lieu-le-30-janvier-a-l-assemblee-nationale-339760
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1979/79110DC.htm
https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006321066
https://www.ouest-france.fr/economie/budget-collectivites-etat/budget-2025-ces-cinq-mesures-deconomies-qui-font-grincer-des-dents-2dd8b71a-d741-11ef-ba2d-4caba193000f