La marche à suivre du juge dans le cadre d’une affaire d’harcèlement
La qualification résulte d’une dégradation prévisible. Par sa décision rendue en date du 11 mars 2025, la Chambre sociale de la Cour de cassation a procédé à une interprétation stricto sensu des dispositions contenues au sein de l’article L1152-1 et de l’article L.1154-1 du Code du travail.
Au surplus, les faits sont appréciés par le juge qui doit respecter la méthodologie posée par la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 5 février 2013 (cf. Cass. soc., 15/02/2013, n° 21-20.572). Il lui revient alors de vérifier que les faits mis en avant par le salarié ne laissent pas présumer l’existence d’un tel harcèlement. Dans l’affirmative, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve que les décisions qu’il a prises ou les agissements dont il fait preuve sont justifiés par des éléments qui doivent être objectifs et étrangers au harcèlement. Dans ce cas d’espèce, la Cour de cassation avait visé les articles L1152-1 et L1154-1 du Code du travail.
Quid de la charge de la preuve en pareil cas ? Conformément aux dispositions contenues au sein de l’article L.1154-1 du Code du travail, la charge de la preuve est partagée entre le salarié et l’employeur. Le salarié doit d’abord présenter les éléments qui, selon lui, laissent entendre qu’il existe un harcèlement. Ensuite l’employeur doit apporter la preuve que les faits qui sont invoqués par le salarié sont en fait étrangers au harcèlement allégué.
Dans notre cas d’espèce ici jugé et rapporté par la Cour de cassation dans sa décision du 11 mars 2025, il ressort de ses constatations que l’appréciation de ce harcèlement moral se fonde sur un examen général des faits qui sont mis en avant par le salarié ; il n’est alors pas obligatoire d’apporter la preuve d’une dégradation effective de l’état de santé du salarié ou une dégradation effective des conditions de travail de ce dernier.
Dans cette décision, il s’agissait d’une salariée qui avait été licenciée. Elle saisit le juge en contestation de ce licenciement et considère que celui-ci est constitutif d’un harcèlement moral. Les arguments qu’elle avance sont balayés d’un revers de main par la Cour d’appel : elle se pourvoit ainsi en cassation.
La Cour de cassation, en sa chambre sociale, décide de casser l’arrêt rendu par la Cour d’appel au visa des articles L.1152-1 et L.1154-1 dudit code en retenant que l’employeur n’a pas apporté à la preuve que ses agissements étaient effectivement étrangers à tout harcèlement.
Une uniformisation de la jurisprudence ?
Par cette décision, la Chambre sociale a procédé à une certaine harmonisation de sa jurisprudence sur celle de la Chambre criminelle de la Cour de cassation. Cette dernière, en effet, considéré que la dégradation possible en cause est à elle seule suffisante pour consommer le délit de harcèlement moral. Autrement dit, la dégradation de l’état de santé du salarié ou encore la dégradation de ses conditions de travail ne revêt pas la nature d’une condition nécessaire à la qualification des faits concernés. Ainsi la simple possibilité d’une telle dégradation suffit à ce que le harcèlement moral soit consommé. La Chambre criminelle de la Cour de cassation, dans sa décision rendue le 14 janvier 2014 décida ainsi (cf. n° de pourvoi : 11-81.362).
Quid enfin du caractère autonome de la réparation du harcèlement moral ?
Il est important, finalement, de souligner une règle importante en matière de réparation. En effet la réparation du harcèlement moral dispose d’un caractère véritablement autonome.
Il est ainsi nécessaire de procéder à la distinction de l’indemnisation caractéristique pour manquement de l’indemnisation qui se rapporte à la méconnaissance de l’obligation de prévention et de sécurité conformément aux dispositions contenues au sein des articles L4121-1 et suivants du code du travail. L’obligation de prévention susmentionnée ne doit donc pas être confondue avec la prohibition des comportements de harcèlement moral au sens de l’article L1152-1 dudit code. L’une ne saurait en fin de compte être confondue avec l’autre. Ceci ressort d’un arrêt précédemment rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation en date du 27 novembre 2019 (cf. n° de pourvoi : 18-10.551).
Nous pouvons par conséquent conclure notre développement en gardant à l’esprit que par cette décision de mars 2025, les juges de la Cour de cassation ont procédé à la confirmation du régime probatoire qui découle directement des dispositions de l’article L1154-1 du code du travail. Il nous faut retenir que la qualification juridique du harcèlement moral se fonde sur les agissements en cause, et plus précisément sur leur nature ainsi que leurs effets qui doivent être prévisibles. Il est inopérant de considérer les conséquences sur la dégradation des conditions de travail du salarié ou la dégradation de l’état de santé de ce dernier.
Il faut toutefois considérer, ceci étant dit, que de telles dégradations et la preuve qui s’y rapporte est tout de même importante à l’égard de l’appréciation du préjudice qui résulte du harcèlement par le juge compétent.
Références
https://www.courdecassation.fr/decision/67cfdd6ed22131b78dde9aa0
https://www.village-justice.com/articles/cour-cassation-poursuit-construction-jurisprudentielle-prejudice-necessaire,52786.html
https://www.lemag-juridique.com/veille/articles/social-harcelement-moral-labsence-de-justification-des-agissements-de-lemployeur-lui-est-imputable-9170.htm
https://www.lacitedesentreprises.com/droit-social/harcelement-moral-alignement-de-jurisprudence-entre-les-chambres-criminelle-et-sociale-de-la-cour-de-cassation-la-constatation-de-la-degradation-des-conditions-de-travail-ou-de-letat-de-s/