En l'espèce, une société de livraison de plats cuisinés s'est vu attaquer en justice par l'un de ses coursiers indépendants, au motif que le contrat qui le liait à cette société devait recevoir la qualification de contrat de travail.
Le 20 avril 2017, un arrêt de la Cour d'appel de Paris a refusé d'accueillir favorablement la demande du coursier. Selon elle, le demandeur ne fait pas la preuve d'un réel lien de subordination entre lui et la société de livraison. Pour appuyer sa demande, le livreur expliquait dans son argumentaire qu'un système de pénalités avait été mis en place par la société de livraison en cas de retard dans les livraisons, ce qui pouvait caractériser le lien de subordination. Toutefois, la Cour d'appel juge que si effectivement un pouvoir de sanction de « l'employeur » pouvait être perçu dans cette affaire, il n'en restait pas moins que le coursier disposait d'une grande liberté dans le choix de ses horaires de travail.
La Cour de cassation en décide autrement, pour elle, l'élément déterminant dans la qualification de la relation de travail se trouvait dans l'utilisation d'un système de géolocalisation permettant à la société de suivre son coursier en temps réel. Elle retient l'exercice d'un pouvoir de contrôle de la société de livraison.
L'existence d'une relation de travail se caractérise non pas par la qualification qui a été donnée au contrat, mais de l'appréciation des conditions de fait dans lesquelles est exercé ce travail, nous dit la chambre sociale. Ce n'est pas une nouveauté, elle s'appuie sur une jurisprudence antérieure immuable.
Toujours, dans le rappel des grands principes du droit social, la chambre sociale redonne la définition du lien de subordination. Ce dernier « se caractérise par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ».
Les juges de cassation ont procédé à la vérification de l'existence de ce lien de subordination.
Pour eux, le fait que la position du coursier était suivie en temps réel par la société de livraison grâce à un système de géolocalisation avec comptabilisation des kilomètres parcourus était de nature à caractériser le pouvoir de contrôle de « l'employeur ».
Par ailleurs, la plateforme numérique exerçait également un pouvoir de sanction. L'arrêt fait mention d'un système de bonus - malus. Il était prévu que le coursier pouvait recevoir des pénalités lorsqu'il ne respectait pas certaines obligations contractuelles (ex. : « le refus d'effectuer une livraison, l'absence de réponse à son téléphone »).
Il s'agit d'une vraie avancée, face à cette nouvelle catégorie de travailleurs. Cette affaire fait écho aux arrêts de cette même chambre concernant les participants d'émissions de téléréalité. Aujourd'hui, ces participants sont systématiquement salariés.
Par une loi du 8 août 2016, le législateur a souhaité insérer dans le Code du travail une responsabilité pour les sociétés usant de ces travailleurs indépendants. Toutefois, aucune présomption de non-salariat n'a été décrétée.
Cet arrêt pourrait amener les juges de la Cour de cassation à se pencher à l'avenir sur d'autres travailleurs indépendants « employés » par des plateformes numériques, par exemple, les chauffeurs VTC.
Sources : arrêt du 28 novembre 2018, Chambre sociale (pourvoi n 17-20.079), note explicative relative à l'arrêt par la Cour de cassation, rapport du conseiller à la Cour de cassation relatif à l'arrêt, avis de l'avocat général à la Cour de cassation relatif à l'arrêt