La fin de C8, la privation d’un espace d’expression ?

Suite à la décision récente du Conseil d’Etat de rejeter les recours formés par les chaînes C8 et NRJ12, décision commentée à l’occasion d’un précédent article, celle-ci fut vivement critiquée considérant que le public de la chaîne C8 est dorénavant privé d’un espace d’expression. 

Sans entrer dans le détail de cette décision, il convient de noter que celle-ci ne constitue pas une quelconque forme de censure, ni même une quelconque atteinte à la liberté de communication audiovisuelle.


D’un point de vue technique, les services de la TNT (télévision numérique terrestre) utilisent une bande de fréquences radioélectriques qui revêt la nature d’une ressource particulièrement limitée. Ce constat explique donc les missions attribuées à l’Arcom dans le cadre de l’attribution des autorisations d’usage au sens des dispositions contenues au sein de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite loi Léotard. Il existe différents critères qui doivent permettre de garantir la liberté de concurrence, l’utilisation efficiente des fréquences mais également le pluralisme des courants d’expression socioculturels. Ceci doit permettre l’existence diversifiée d’opérateurs économiques dont les programmes s’adressent à tous les courants de la société française, les chaînes de la TNT étant finalement les plus accessibles au grand public. Ce constat explique notamment que les décisions rendues par l’Arcom à l’occasion des appels à candidatures sont en vérité accompagnés d’une étude d’impact préalablement concernant le marché mais également les besoins relatifs aux programmations. Il faut noter que les autorisations en cause sont délivrées pour une durée de 10 ans, renouvelables pour une durée de 5 ans, à deux reprises. C8 en bénéficia effectivement. Enfin, ces autorisations ne sauraient être valablement renouvelées sans l’instauration d’un nouvel appel à candidatures. 

L’Arcom a considéré que le contenu de l’offre télévisuelle des chaînes C8 et NRJ12 se rapprochaient d’autres chaînes de la TNT, et, qu’il existe d’autres chaînes qui proposent des perspectives nouvelles à destination de publics qui, jusqu’à maintenant, n’étaient que peu représentés, à l’image d’OFTV. Ceci permet in fine de  répondre à des besoins en termes de diversité d’accès aux médias, un équilibre étant finalement créé à ce sujet. 

On voit donc que les accusations portées à l’encontre de l’Arcom ne sont pas fondées, sa décision étant motivée par la volonté de laisser la possibilité à d’autres opérateurs qui répondront aux attentes du public français.

 

L’existence de services de communication audiovisuelle différents

Il existe maintenant de nouveaux services de communication audiovisuelle, notamment via internet qui revêt la nature d’une alternative la plus accessible pour tout un chacun.

Il faut ainsi retenir que différents usages tels que la fibre ou encore les services diffusés directement sur leurs sites web ou disponibles sur les plateformes en ligne telles que YouTube sont autant de possibilités qui permettent in fine de se libérer des conditions d’utilisation du cadre hertzien. Il est des programmes et services qui ont utilisé ces canaux et qui ont ainsi été en mesure de se soustraire des règles devant être respectées pour les services de TNT et non sur internet. L’on peut ici prendre l’exemple du programme « les recettes pompettes » dont la diffusion était réalisée uniquement sur la plateforme YouTube tandis que le programme initial, repris sur le modèle canadien, avait vocation à être diffusé à la télévision. Le prédécesseur de l’Arcom, le CSA, avait alors mis en garde la chaîne qui promouvait la consommation d’alcool. Le CSA avait en effet interprété la loi du 30 septembre 1986 susmentionnée en ce sens. 

Retenons aussi que des pouvoirs de régulation applicables aux plateformes ont été attribués à l’Arcom mais ces derniers ne sauraient interdire à la chaîne C8 d’y proposer une offre de contenus à son public et aux internautes.

 

La liberté de communication audiovisuelle : une liberté non absolue

Nous devons finalement retenir que la décision qui fut celle de l’Arcom à l’égard de la chaîne C8 se fonde aussi sur des manquements de cette dernière. Cette prise en considération de ces manquements passés se comprend à la lecture de la loi du 30 septembre 1986 susmentionnée. Ainsi, lorsqu’un service de télévision demande le renouvellement d’une autorisation, l’Arcom est en mesure de prendre en compte les programmations passées eu égard à différents principes, tels que le principe d’honnêteté, de pluralisme de l’information et des programmes, et le principe d’indépendance, et, eu égard à la lutte contre « les stéréotypes, les préjugés sexistes, les images dégradantes, les violences faites aux femmes ».  

Aussi, il convient de garder en tête que les décisions prises par le régulateur de l’audiovisuel sont susceptibles de faire l’objet d’un retour devant le Conseil d’Etat. Celui-ci est alors en mesure de les annuler, ce qu’il fit par ailleurs lorsque avaient été décidées les suspensions de séquences publicitaires avant, pendant et après l’émission phare de C8, Touche pas à mon poste ! Il avait même été décidé par le juge administratif suprême que l’Arcom devait indemniser la chaîne.  

Pour clore, l’on peut donc retenir que cette décision de l’Arcom, déplorée par beaucoup, ne fait que répondre au cadre juridique entourant la liberté de communication audiovisuelle. Cette décision n’impacte pas cette chaîne de proposer différents programmes via des moyens autres que les ressources hertziennes.

Références

https://www.liberation.fr/economie/medias/le-conseil-detat-retoque-le-recours-de-c8-contre-le-non-renouvellement-de-sa-frequence-tnt-20250219_FYOS6HCVKFDRNGOK5BXNVBVHYA/

https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000044259353

https://amu.hal.science/hal-01487225v2/file/MOURON Philippe - SMAD Youtube - HAL.pdf

https://www.conseil-etat.fr/actualites/frequences-tnt-l-arcom-doit-evaluer-l-opportunite-d-un-nouvel-appel-a-candidatures-pour-les-4-frequences-desormais-vacantes