Quelques propos introductifs 

Le 10 septembre dernier, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu deux décisions concernant deux affaires impliquant des GAFAM, à savoir : une affaire concernant Google, et une affaire concernant Apple. 


En bref, dans l’affaire concernant Google, les juges européens ont considéré qu’il était nécessaire de condamner la société au versement d’une amende de 2,4 milliards d’euros « pour avoir abusé de sa position dominante » et ce, en procédant à la favorisation de « son propre service de comparaison de produits ». Il est intéressant de noter qu’en 2010 déjà et après plusieurs plaintes de concurrents de cette société, l’Union européenne avait procédé à l’ouverture d’une enquête et avait ensuite contraint Google à modifier l’affichage de son comparateur de produits afin que celui-ci soit enfin conforme aux exigences posées par le droit de l’Union européenne. Il est aussi intéressant de noter qu’en 2021, la même juridiction avait acquiescé les demandes de la Commission européenne dans cette même affaire. L’amende de 2,4 milliards d’euros s’ajoute en vérité à une autre amende d’un montant lui aussi conséquent puisqu’elle s’ajoute aux 4,3 milliards d’euros que Google avait été condamné à verser pour abus de position dominante concernant, spécifiquement, le système d’exploitation Android des téléphones mobiles commercialisés. Ces deux amendes démontrent le non-respect récurrent du droit de la concurrence de l’Union européenne par la société nord-américaine.

Dans la seconde décision rendue le même jour, concernant cette fois-ci la société Apple, il était question d’une procédure mise en mouvement en 2016 lorsque la Commission européenne reprochait à Apple d’avoir procédé au transfert de ses revenus européens en Irlande entre les années 1990 et 2014 afin, notamment, de profiter des nombreux avantages que permet le régime fiscal irlandais. Le fait d’avoir procédé de la sorte a ainsi permis à la société américaine de ne pas s’acquitter du paiement de près de 13 milliards d’euros d’impôts au total. Pour la Commission européenne, il s’agit dans ce cas d’une aide d’Etat qui est illégale, celle-ci résultant à un déséquilibre pour d’autres entreprises qui sont, pour leur part, soumises à un régime fiscal moins favorable que le régime irlandais. Pour la CJUE, l’aide accordée est ainsi illégale : il revient donc à l’Irlande de récupérer la somme équivalent à près de 13 milliards d’euros. 


Que contient la décision relative à Google ?

Dans le cadre de cette première décision, définitivement jugée par la Cour de justice de l’Union européenne, la société Google a été mise en cause à l’issue de l’une longue et fastidieuse procédure. 

Il fut acté par les juges de la CJUE que la société doit s’acquitter d’une amende d’un montant de 2,42 milliards d’euros et ce, pour avoir procédé à la favorisation de son propre système de comparaison de prix (à savoir : Google Shopping) au sein des résultats produits par son moteur de recherche. Les juges ont retenu que ce référencement particulier revêt la nature d’un abus de position dominante conformément aux dispositions résultant de l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. 

Le montant de cette amende infligée à la société nord-américaine doit être relevé en ce qu’il constitue le second plus haut montant jamais ordonné à l’encontre d’une multinationale à l’égard de pratiques anticoncurrentielles. La procédure avait été initiée au début de l’hiver 2010 ; l’amende avait tout d’abord été prononcée en 2017 ; cette récente décision rendue par la CJUE constitue donc le point final de cette fastidieuse procédure, confirmant in fine ce montant. 

Ce sont notamment ces faits d’espèce qui ont amené l’Union européenne, dès 2022, à prendre des mesures importantes en la matière, à savoir : prévoir un règlement sur les pratiques anticoncurrentielles inhérent au domaine numérique. Ce règlement a pris la forme du Digital Markets Act (aussi connu sous le sigle DMA) dont nous avions déjà discuté à l’occasion d’un précédent article.


Qu’en est-il de la seconde affaire impliquant Apple ? 

La société Apple a été en mesure de profiter de deux rescrits fiscaux entre 1991 et 2004, ces derniers ayant « artificiellement réduit les impôts » qu’elle a été contrainte de s’acquitter en Irlande. La Commission européenne avait pu s’en émouvoir et celle-ci considéra en 2016, par une décision, que la société a profité d’une mauvaise application des règles d’imposition irlandaises. 

Ces « arrangements fiscaux » qualifiés d’« agressifs » par la Commission européenne sont en vérité constitutifs d’aides d’Etat déguisées selon l’institution. Or ces aides d’Etat, en droit de la concurrence de l’Union européenne, sont considérées comme compromettant la concurrence sur le marché européen. Sous ce rapport, la Cour de justice de l’Union européenne a retenu que l’Irlande ayant accordé « une aide illégale » à la société Apple, cet Etat est maintenant contraint de procéder à la récupération de cette aide injustement, illégalement attribuée. 

Cette décision intervient alors même qu’en 2020, le Tribunal de l’Union européenne s’était opposé aux considérations avancées par la Commission européenne dans cette affaire. Qu’à cela ne tienne, la CJUE valida in fine le raisonnement tenu par l’institution européenne. Notons finalement que l’Irlande a modifié les règles nationales d’imposition des entreprises qui sont présentes sur son territoire : il ne saurait donc plus exister de tels faits d’espèce pour l’avenir.