I - Rappel des faits

Alors que le cas d'espèce est devenu connu de tous en raison des conséquences juridiques importantes qui en découlent, il convient de rappeler les faits initiaux.

Vincent Lambert est victime d'un accident de la circulation le 29 septembre 2008. Réveillé des suites d'un coma, il se retrouve dans un état de « conscience minimale plus ». Le médecin en charge de son cas décide d'arrêter les soins sur autorisation de la femme du patient. Cependant les parents s'y opposent en saisissant le juge des référés en invoquant le droit à la vie.

Il s'en suit alors de nombreuses décisions judiciaires. La première est une ordonnance en référé du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 11 mai 2013 qui enjoint l'hôpital à reprendre l'alimentation du patient. L'épouse saisit alors le juge des référés en appel pour remettre en cause cette ordonnance mais est déboutée.

En l'absence de l'expression de la volonté claire et précise antérieure de Vincent Lambert sur une telle situation imprévue, un long parcours judiciaire portant sur le droit à la vie et le droit à la mort a été lancé.

II - Un long parcours judiciaire

Il a été fait appel devant le Conseil d'Etat le 16 janvier 2014 par le Directeur Général de l'hôpital sur ordre du Ministre de la Santé. Le Conseil d'Etat doit alors se prononcer sur la légalité de la décision médicale ayant pour résultat la mort du patient. L'avis du Conseil national de l'Ordre des médecins, de l'Assemblée nationale de Médecine et le Comité consultatif national d'éthique. Le 24 juin 2014, le Conseil d'Etat réforme le jugement du tribunal administratif et conclue que la décision médicale est légale.

Cependant, la CEDH a entretemps été saisi par les parents de la victime. Le même jour, la Cour européenne des droits de l'homme a ordonné la suspension de l'exécution de l'arrêt du Conseil d'Etat et l'interdiction de transférer le patient en dehors du territoire français. Le 5 juin 2015, la Cour suit finalement la position du Conseil d'Etat.

Finalement, suite au refus d'appliquer ces décisions par les médecins. Sa femme est désignée comme tuteur en justice par le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, sur leurs demandes. Un nouveau jugement est rendu par le Tribunal administratif contre l'arrêt de l'alimentation. Un recours est exercé devant la Cour d'appel administrative de Nancy. Dans un même temps, la tutelle est contestée par les parents de la victime. Le 16 juin 2016, la Cour d'appel puis le Conseil d'Etat estiment que le nouveau médecin n'est pas lié par la décision de son collègue prédécesseur et qu'il est tenu de prendre une décision suite à une nouvelle procédure collégiale de consultation des médecins. Le Conseil d'Etat de nouveau saisi.

Du point de vue pénal, une plainte avec constitution de partie civile avait été déposée au début par les parents de la victime pour tentative d'assassinat en ce qui concerne l'arrêt de l'alimentation qui avait pu être faite par les médecins à l'époque. Le Procureur de la République, puis le juge d'instruction n'ont pas estimé qu'ils présentent un préjudice personnel et ne pouvaient donc pas se constituer partie civile. Un appel devant la Chambre d'instruction de la Cour d'appel de Reims a été formé mais n'a pas abouti.

En 2018, une expertise est sollicitée sur le « tableau clinique » de la victime par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Le 31 janvier 2019, un nouveau jugement confirmatif de l'arrêt de l'alimentation est rendu par le Tribunal. Il en est de même par le Conseil d'Etat le 24 avril et la Cour européenne le 30 avril en rejetant une requête faite par les parents de la victime.

De l'autre côté, le Comité des droits des personnes handicapées de l'ONU a demandé de ne pas appliquer les décisions de justice rendu en maintenant l'alimentation du patient. Cette mesure provisoire n'est cependant pas respectée par la France, en violation de ses engagements internationaux, car le médecin a tout de même procéder à l'arrêt de l'alimentation. Cependant, la Cour d'appel de Paris s'est saisi de l'affaire en ordonnant la reprise de l'alimentation, conformément à la demande faire par le Comité, le temps d'étudier le dossier de manière approfondie.

III - Ce qu'il en est aujourd'hui ?

Un pourvoi a été formé devant la Cour de cassation, dont l'audience a eu lieue le 24 juin 2019. Saisie par le Ministère de la Santé et le Ministère des Affaires Étrangères, il lui est demandé de trancher de manière définitive le problème de droit posé depuis le début de ce parcours judiciaire et soulevé par la Cour d'appel de Paris dans son arrêt du 20 mai 2019.

La Cour d'appel a estimé qu'une voie de fait a été commise par l'Etat en refusant la demande du Comité. Ce dont il est estimé qu'il semble y avoir eût une confusion entre politique et juridique par les magistrats alors que la voie de fait est invoquée pour donner compétence au juge judiciaire. L'avis exprimé par le Comité ne relève pas d'une décision judiciaire.

Or, à la fois le Conseil d'Etat et la CEDH ont jugé de l'affaire dans le sens de l'arrêt des traitements. Ces décisions ont vocation à s'appliquer en conformité avec l' « ordre juridique européen et national ». L'Etat souverain, n'a en application de la convention, alors pas commis de voie de fait.

La Cour de cassation, étant donnée la délicatesse des circonstances, a rapidement pu prendre une décision et se prononcer dans un arrêt le 28 juin 2019. La Cour s'est fondée sur la loi Claeys-Leonetti du 3 février 2016 sur les personnes en fin de vie pour rendre son jugement et autoriser le CHU de Reims à pu reprendre le processus d'arrêt des soins par une sédation profondes et l'arrêt de l'alimentation et de l'hydratation du patient.

La Cour de cassation s'est réunie en Assemblée Plénière pour statuer sur l'affaire. Elle a jugé que la Cour d'appel n'avait pas la compétence pour intervenir et juger d'une décision administrative, soit la décision de l'hôpital d'arrêter les soins du patient. Alors que la Cour d'appel se prononçait sur le plan de l'atteinte à la liberté individuelle, jugeant l'Etat coupable d'une voie de fait, la Cour suprême a estimé que le droit à la vie ne relevait pas de ce domaine de l'article 66 de la Constitution. Donc, le juge judiciaire n'était pas compétent.

Alors que cette affaire fait débat sur plusieurs plans, qu'il soit philosophique, moral ou éthique, la Cour de cassation a mis fin à la « bataille judiciaire » opposant la famille Lambert par une décision sans renvoi. Les recours ne sont plus possibles. La Cour de cassation, sans se prononcer sur les faits de l'affaire, a émis un motif de pur droit en tranchant de manière nette la compétence du juge judiciaire et celle du juge administratif.

Ne donnant aucun indice sur un jugement sur le fameux droit à la vie, il relève clairement de la loi de se prononcer. Ce qui amènera l'affaire sur le plan politique et non plus juridique désormais.

Sources :

http://www.jesoutiensvincent.com/chronologie-complete-de-laffaire-vincent-lambert/

https://www.lunion.fr/id70025/article/2019-06-05/affaire-vincent-lambert-laudience-devant-la-cour-de-cassation-prevue-le-24-juin

https://www.dalloz-actualite.fr/node/l-affaire-ilamberti-politique-et-justice#.XPlHxZC-g0N

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/communiques_presse_8004/28_juin_9397/