Le début de cette affaire des assistants parlementaires

Il nous faut remonter au printemps 2015 : suite à la publication d’un organigramme de la direction du RN, des soupçons de détournement de fonds versés à des députés européens sont émis par Martin Schulz, alors Président du Parlement européen. Parmi les noms qui y figurent, se retrouvent ceux d’assistants parlementaires censés être présents au Parlement, et non en France. Rapidement, Marine Le Pen sera mise en examen pour « abus de confiance » mais aussi pour « complicité ». Les poursuites en question sont finalement requalifiées en « détournement de fonds publics. » Ce sera finalement au début du mois de décembre 2023 que les accusés seront renvoyés devant le Tribunal correctionnel de Paris et dont le procès s’est ouvert le 30 septembre dernier.

Notons finalement que dans notre cas d’espèce, le Parlement européen a décidé de se constituer partie civile.

Qui est concerné par cette affaire ? 

Comme précisé en propos introductifs, ce sont 27 élus et membres du RN au moment des faits, qui sont concernés par cette affaire (ainsi que le RN en sa qualité de personne morale). Parmi ces élus et membres, l’on retrouve 4 collaborateurs du RN, 12 assistants parlementaires ainsi que 11 anciens députés européens. Sont retrouvés dans ces protagonistes différents députés européens aujourd’hui membres de groupes différents au Parlement européen suite aux élections intervenues début juin 2024.

Il apparait intéressant de relever que le Président actuel du RN, Jordan Bardella, n’est pas poursuivi dans le cadre de cette affaire bien qu’ayant été assistant parlementaire en 2015. Dans un livre publié en septembre dernier, par le journaliste Tristan Berteloot, Jordan Bardella avait activement participé à la production de fausses preuves de travail auprès du Parlement européen. Selon l’auteur, et d’après un organigramme de l’actuel RN, Jordan Bardella était présenté comme étant un chargé de mission tandis qu’il était supposé exercer la fonction d’assistant parlementaire. 

Quels sont les griefs portés contre les personnes concernées par cette affaire ? 

Les griefs portés à l’encontre des différentes personnes susmentionnées et directement et personnellement concernées par cette affaire sont les suivants : il est en effet reproché au RN et aux individus poursuivis, entre 2004 et 2016, d’avoir mis en œuvre tout un mécanisme, « un système », qui aurait permis de dénaturer la destination d’enveloppes budgétaires attribuées par le Parlement européen aux différents députés européens afin qu’ils soient en mesure de rémunérer les assistants parlementaires. Pour information, en 2014, les députés européens bénéficiaient d’une enveloppe budgétaire de 23 000 euros par mois afin de pouvoir recruter et rémunérer leur personnel (en 2024, ce montant est de 28 696 euros mensuels). 

Par conséquent, il leur est reproché d’avoir mis en œuvre un système d’emplois fictifs. Ce système aurait été perfectionné à tel point qu’il aurait été élargi dès 2014. Pourquoi 2014 ? Tout simplement parce qu’à cette date, sont intervenues les élections européennes à l’occasion desquelles le RN parvient à obtenir 24 sièges au Parlement européen, voyant donc le nombre total de ses députés augmenter considérablement.

Il ressort des faits de l’espèce, et dont il a été fait écho dans la presse, que Marine Le Pen aurait demandé aux nouveaux députés européens de recruter un seul et unique assistant parlementaire par député, de manière à ce que le reste de l’enveloppe budgétaire effectivement attribuée par le Parlement européen soit reversé au Rassemblement National. 

Toutefois il ressort des faits partagés, et qui doivent être confirmés ou non par le Tribunal correctionnel de Paris, que des assistants parlementaires, rattachés à des députés européens sur le papier, n’aient en vérité pas ou peu œuvré à leurs côtés. Le préjudice de ce mécanisme représente, selon le Parlement européen, une somme de 7 millions d’euros environ. 

Ce système mis en œuvre par le RN avait pour objectif principal de venir en aide à ce parti qui était alors en grande difficulté financière. Pour rappel, les difficultés rencontrées étaient telles que le RN avait été contraint de mettre en vente, pour près de 10 millions d’euros, son siège. 

En décembre 2023, lorsqu’avait été décidé le renvoi en correctionnelle de cette affaire, le parti avait annoncé que les accusations dont il fait l’objet et qui sont « formulées contre [ses] députés européens et assistants parlementaires » sont entièrement contestées. Et la déclaration du RN de poursuivre en ce sens : le procès permettra « enfin [de lui donner] l’occasion » de présenter sa défense mais aussi « de faire valoir [ses] arguments [qu’il qualifie] de bon sens. »

Se pose en fin de compte la question de savoir les peines possiblement encourues par les 27 individus poursuivis ? 

Quelles sont les peines possiblement prononcées ?

Au regard des motifs d’accusation, c’est-à-dire de détournement de fonds publics ainsi que de complicité, les personnes poursuivies sont passibles d’une peine d’amende d’un million d’euros ainsi qu’une peine d’emprisonnement ne pouvant excéder 10 ans. 

Concernant la situation de Marine Le Pen mais aussi d’autres personnes poursuivies, il peut également leur être infligée une peine d’inéligibilité qui ne saurait dépasser 10 ans également (ce qui, si cette peine est en effet décidée à son encontre, l’empêcherait de pouvoir se présenter à la prochaine élection présidentielle de 2027). Sa situation personnelle est, en outre, compliquée dans la mesure où, à la lecture de l’ordonnance rédigée par les juges, celle-ci semble être « l’une des principales responsables du système » mis en cause dans cette affaire, celle-ci revêtant pour eux la qualité de « décisionnaire principale in fine. »