Les antécédents du texte
Cette proposition de loi de la députée Maud Petit (n 1414) n'est pas nouvelle. Cela fait des années qu'une telle interdiction est demandée pour entrer dans le Code civil par différents organismes.
La Fondation pour l'Enfance s'est manifestée dès 2013 avec sa campagne La Gifle, pour faire prendre conscience aux parents qu'il n'y avait pas « de petite claque ». En 2016 encore, l'ONU cette fois, demandait à la France d'interdire les violences éducatives par la loi.
Au niveau européen, la France a également été condamnée. Par une décision du Comité européen des droits sociaux le 4 mars 2015, il y a une violation du paragraphe 1 de l'article 17 de la Charte sociale européenne quand la loi française ne prévoit pas une « interdiction suffisamment claire, contraignante et précise des châtiments corporels ». (CEDS 12 sept. 2014, Association pour la protection des enfants (APPROACH) c. France, réclamation n 92/2013). Aujourd'hui, la France est l'un des derniers 6 États en Europe à ne pas interdire les châtiments corporels et la violence éducative ordinaire, contre 22 l'interdisant.
Pourtant le projet de loi Egalité et Citoyenneté prévoyait une telle interdiction en 2017, mais de manière symbolique. Il n'était pas question de sanction pénale, ni dans la proposition de loi actuelle. Cependant, cette loi a été censurée par le Conseil Constitutionnel en raison d'un vice de forme. Le Conseil a estimé « Introduites en nouvelle lecture, ces adjonctions n'étaient pas, à ce stade de la procédure, en relation directe avec une disposition restant en discussion. »
Ainsi, sur le fond une telle loi n'aurait pas été contraire à la Constitution et pouvait valablement être adoptée.
La loi aujourd'hui ?
La nouvelle proposition de loi a été votée et adoptée dans la nuit du 29 au 30 novembre 2018. Elle doit cependant encore être adoptée par le Sénat.
La lettre retenue par l'Assemblée pour être adjointe à l'autorité parentale est qu' « elle s'exerce sans violences physiques ou psychologiques ». Cependant, cette formulation est générale et ne vise pas expressément la violence éducative ordinaire. Cela pourrait ne faire que référence à la « maltraitance ». Il incombera aux juges de préciser la définition de « violences physiques » pour prendre en compte tous les aspects possibles de la violence éducative. Le juge pourrait à cet égard notamment s'inspirer de la définition déjà fournie du Conseil de l'Europe. Il s'agit de « toute punition physique impliquant l'usage de la force physique et visant à infliger un certain degré de douleur ou de désagrément, aussi léger soit-il, dans le but de modifier ou arrêter un comportement de l'enfant estimé incorrect ou indésirable. C'est là une violation des droits de l'enfant au respect de la dignité humaine et de l'intégrité physique ».
Reconnu comme un principe fondamental des droits de l'homme de vivre sans menaces de violences, l'article 19 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant (CNUDE) garantit ce droit aux enfants. Elle oblige notamment les États à prendre des mesures appropriées.
Cette loi, comme sa prédécesseur ne viserait pas la sanction pénale, mais l'inscription dans le Code civil dans une portée symbolique et pédagogique pour les parents. Le but est la prise de conscience de l'intérêt de l'enfant, avec un accompagnement des parents. À cette fin, il ne s'agit pas que de la fessée dont il est question, mais de toutes violences éducatives (cris, injures, moqueries, chantage, etc). Cette fois-ci en dehors d'un vice de forme, une telle loi pourrait bien être adoptée définitivement.
Sources : Dalloz, Oveo, Assemblée nationale, Conseil constitutionnel, Conseil de l'Europe